La vierge rouge, Fernando Arrabal
Arrabal se passionne pour un fait divers des années 30 qui fit frémir l'Espagne et intéressa les intellectuels de l'époque. Une femme élève, seule, son enfant et décide d'en faire un génie.
Lorsque sa fille semble se détacher du destin exceptionnel qu'elle avait programmé pour elle, la mère la tue, persuadée qu'elle œuvre pour le meilleur et que ce meurtre est exigé de la jeune fille elle-même. Fait divers certes mais superbe sujet, de roman qui n'est pas sans résonner comme un récit de science-fiction.
Le personnage central est cette femme, elle-même consciente de sa différence. Elle raconte son histoire et ce n'est pas un des moindres mérites de cette autobiographie fictive que de s'écrire à la première personne du féminin.
À dix ans, la gamine n'ignore plus rien des sciences les plus hermétiques. Enfermée avec sa mère qui n'a connu l'homme que l'instant de s'ensemencer de cet enfant-miracle, elle vit écartée du monde, adulée mais prisonnière de sa tendre geôlière.
Les autres rôdent, notamment un couple d'homos. Chevalier et... Abélard, l'un débauché, fantasque, séduisant, l'autre poète, malade, servile. La jeune fille subira l'influence d'Abélard (qui recouvre la santé à mesure que son ami s'enfonce dans la mort : étrange allégorie du couple gay) et sa pureté intellectuelle s'altérera inexorablement.
Dans un journal intitulé "Enfer", elle exprime sa hargne, son désespoir. Désir d'ailleurs, désir d'une vie ordinaire, désir d'être femme : elle va fuir, encore lucide au plus fort de la nuit.
Conte fantastique, épopée surréaliste, traité dans la manière moyenâgeuse, Arrabal signe, une œuvre originale, folle et étrangement morale.
■ La vierge rouge, Fernando Arrabal, Éditions Acropole, 1986, ISBN : 2735700526