La confession d'une jeune fille, Marcel Proust
Marcel Proust, bien avant La Recherche, est un écrivain insolite et amoral. On a trop escamoté les conséquences – dans son jeune âge – d'une homosexualité que sa sensualité lui imposait de vivre pleinement mais que la tendresse maternelle condamnait.
En 1896 (il a vingt-cinq ans), il écrit, d'une écriture rapide, sèche et violente, un étrange récit « La confession d'une jeune fille » :
Dans ce récit, il est question d'une jeune fille (Proust lui-même ?), qui attend chaque soir le baiser de sa mère : « ancienne habitude qu'elle avait perdue parce que j'y prenais trop de peine et trop de plaisir ». Cette jeune fille, également torturée par la paresse et le manque de volonté, est séduite à l'âge de quinze ans par son jeune cousin. Elle s'adonne aux « plaisirs desséchants » du monde. À la fin, elle se fiance à un jeune homme sensuel et brutal, et elle est une fois de plus séduite. La mère, qui regarde par la fenêtre, la surprend en train de commettre le « péché » et meurt d'une attaque subite. La jeune fille se suicide.
Le sentiment de culpabilité de Proust, qui, petit à petit, deviendra sadisme latent à l'égard de sa mère, se lit clairement dans cette nouvelle.
La réalité rattrape toujours la fiction et la dépasse. Un article du Figaro, daté du 25 janvier 1907, relate l'assassinat qu'un jeune homme de la haute société a commis sur sa mère avant de se mutiler et de se suicider. Il se trouve que le meurtrier et Proust avaient échangé des lettres. Proust publie dans le Figaro du 1er février 1907 une chronique stupéfiante dont la liberté de ton et la modernité d'approche sont telles que l'on en censure les dernières lignes. Il n'en reste pas moins que ce texte essentiel pour le jeune Proust fait la une du Figaro sous le titre : « Sentiments filiaux d'un parricide ».
Ces deux textes, tout à fait étonnant, sont à découvrir et à méditer
■ La confession d'une jeune fille, Marcel Prous, Éditions Le Castor Astral, 1992, ISBN : 2859201920
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