Homosexualité naturelle par Marcel Jouhandeau
Comment croire une seule seconde au vice contre-nature dont serait entachée l'homosexualité ? Comment attacher en retour crédit à l'opinion inverse qui en ferait une bénédiction divine ?
« Dieu ne veut pas la malice du péché, car elle n'est rien », disait Descartes. Et Jouhandeau : « Comme il a raison. Je veux dire : Dieu ! »
Le démon de Jouhandeau au firmament de l'impudeur, c'est peut-être tout simplement une certaine forme d'homosexualité naturelle :
« On pourrait souvent remarquer dans certains mouvements obscurs, celui par exemple d'un homme qui se touche lui-même une sorte de tourment sur sa personne. On cherche à s'identifier, en se palpant, comme on se parlerait seul à seul. Il n'y a pas de mouvements plus que de paroles sans destination, mais il en est sans destination qu'on sache. » [1]
Cette forme d'homosexualité naturelle, à tout instant, Jouhandeau croit la voir surgir à ses côtés, mais dès qu'il la regarde, elle s'évanouit.
« Deux hommes sont assis côte à côte les bras nus sur le siège d'une voiture. L'un regarde son propre bras et il me semble que c'est le bras de l'autre qu'il regarde. Qu'y a-t-il dans le regard que nous portons sur nous-mêmes pour que cette équivoque m'ait bouleversé ? Si cet homme avait porté ses yeux sur le bras de l'autre avec la même attention que sur le sien, il y eût eu quelque chose de changé dans son attitude, il y eût eu dans son attitude quelque chose de louche, mais sans doute tous nos rapports avec notre propre corps sont-ils entachés d'une sorte d'homosexualité latente, puisqu'une seconde le regard que cet homme a jeté sur lui-même m'a paru aussi suspect que s'il l'eût jeté sur l'autre. » [2]
Homosexualité naturelle ? Jouhandeau y croit certainement très vite rattrapé par les cris et les chuchotements qui bourdonnent autour de lui. Jouhandeau, dont la philosophie à laquelle il doit un bonheur et un courage incessants, n'a su aimer qu'une chose, mais si ardemment qu'elle faisait passer tout le reste, réduit autour d'elle, à néant. Homosexuel et hétérosexuel, quiconque travaille avec courage et énergie à coopérer à la grâce, rendra la grâce efficace et sera sauvé. Au contraire, celui qui n'y coopère pas, quelque grâce qu'il ait, sera damné.
Alors que faire si Dieu voulait nous damner ? Répondre avec Jouhandeau : je l'embrasserais de mes deux bras, c'est-à-dire avec l'humilité et l'amour ; je le tiendrais si fortement que je le forcerais à descendre avec moi dans l'enfer, et alors l'enfer serait pour moi le paradis, Dieu étant avec moi.
[1] Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, éditions Gallimard, 1969, p. 54
[2] Idem, p. 55