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Mémoire : dimension individuelle et collective

Publié le par Jean-Yves Alt

La mémoire est fortement identifiée à la personne. Pourtant, la personne est plus que sa mémoire, et la mémoire individuelle elle-même est toujours débordée par sa dimension collective. Étrange, tous ces films évoquant la mémoire... Eternal Sunshine of the Spotless Mind [1], de Michel Gondry, narre l'histoire d'un couple où chacun tente d'effacer l'autre de sa mémoire à la suite d'un conflit, grâce à un neurologue irresponsable louant ses services à ceux que les souvenirs font souffrir.

L'intrigue du film se noue autour du désir du protagoniste masculin de faire marche arrière en plein traitement, et de résister au lavage de cerveau. Que reste-t-il de ce qui fait l'essentiel de nos vies, une fois la mémoire disparue ? Cet essentiel n'est-il pas inscrit au cœur de nos fibres, de notre regard, de notre personne ? Même le dernier souvenir effacé, un « je ne sais quoi » persiste alors de l'attirance entre les héros, comme si celle-ci ne se résumait pas aux souvenirs communs.

Je perçois, en filigrane de ce thème, l'angoisse devant la maladie d'Alzheimer, dans laquelle ceux que nous avons aimés semblent se dissoudre, alors que, pourtant, une vapeur subtile de leur personne, de leur attitude, de leur regard est encore là.

Un autre aspect de ce type de film est lié à l'extrême individualisation de notre vie : comme nous sommes les seuls garants de notre trajectoire, et que nous désirons être les seuls à en contrôler le récit, nous perdons de vue le fait que la validation sociale de notre mémoire nous aide à la faire exister.

Dans un autre film, Mémoire effacée (Titre original : The Forgotten) [2], de Joseph Ruben, Julianne Moore joue le rôle d'une mère qui est la seule à se souvenir de son fils dont le monde entier dénie l'existence. Est-elle folle, ou bien l'univers entier se trompe-t-il ? Nous connaissons à l'avance la réponse, en notre culture où l'individu prime toujours sur le social. Mais, dans la réalité, qui ne fonctionne pas toujours comme la fable, qu'en est-il ? Si je suis le seul à me souvenir, qui donc a « raison » ?


[1] Synopsis : Joël et Clémentine ne voient plus que les mauvais côtés de leur tumultueuse histoire d'amour, au point que celle-ci fait effacer de sa mémoire toute trace de cette relation. Effondré, Joël contacte l'inventeur du procédé Lacuna, le Dr. Mierzwiak, pour qu'il extirpe également de sa mémoire tout ce qui le rattachait à Clémentine. Deux techniciens, Stan et Patrick, s'installent à son domicile et se mettent à l’œuvre, en présence de la secrétaire, Mary. Les souvenirs commencent à défiler dans la tête de Joël, des plus récents aux plus anciens, et s'envolent un à un, à jamais. Mais en remontant le fil du temps, Joël redécouvre ce qu'il aimait depuis toujours en Clémentine. L’inaltérable magie d'un amour dont rien au monde ne devrait le priver. Luttant de toutes ses forces pour préserver ce trésor, il engage alors une bataille de la dernière chance contre Lacuna...


[2] Synopsis : Un avion avec à son bord un groupe d'enfants s'écrase. Mais, un événement inexplicable survient : la mémoire de leur existence disparaît complètement de la société, c'est comme s'ils n'avaient jamais existé même pour leurs parents proches. Seule la mère d'une des victimes a gardé intact le souvenir de son enfant.


Lire aussi : Mémoire affranchie : nous ne sommes pas seulement forgés par le passé

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