Autoportrait, Jean-Claude Dunyach
L'auteur, Jean-Claude Dunyach ouvre son ouvrage, composé de neuf récits, sur une phrase choc : « Le jour où Dorian fit don de son pénis au musée de la ville, j'étais seul à l'accompagner. »
Le choix du prénom du héros et l'identification du narrateur à l'écrivain ne sont évidemment, dans ce contexte, pas neutres. La nouvelle « Autoportrait », loin de se limiter aux relations homosexuelles sans ambiguïté des deux personnages, (« Nous parlâmes cette nuit-là pendant des heures. Je reçus de lui plus que je n'aurais jamais osé demander. »), décrit le lent cheminement de Dorian vers le renoncement absolu : le passage de l'humain à la statue. Autrement dit du provisoire au définitif.
Cette nouvelle aborde avec intelligence et sensibilité l'angoisse de l'homme face à l'entropie : « Le reste de sa vie ne fut, dès lors, qu'une lutte impitoyable contre la dégradation. » : réflexion sur le temps qui passe et détruit l'image de l'être aimé, peur de voir la chair succomber aux atteintes des années… Pour aboutir à cette chute brillante et inattendue : « De l'autre côté, à l'abri des horloges, les yeux gris de Dorian me regardaient vieillir. »
Une autre nouvelle de ce recueil aborde une thématique homosexuelle. « Je joue de la harpe des morts » est l'occasion d'une variation doublement perverse : le thème du double (une ombre qui ressent les impressions de l'original et peut les lui transmettre) se conjugue à celui de la rivalité amoureuse (Volk, voyant ses avances rejetées, trouve un moyen diabolique de punir l'objet de son désir).
Une grande littérature de science-fiction...
■ Éditions Denoël, Présence du futur, 1986, ISBN : 2207304159