Une fin, René de Ceccatty
« Je disais qu'un homme hétérosexuel était, avec insistance, après six années d'insistance hésitante, entré dans ma vie, avait couché avec moi, était tombé amoureux de moi, m'avait rendu amoureux de lui, avait détruit ma vie, puis la sienne, et qu'il était mort. »
La mort d'Hervé, auquel j'avais consacré quatre livres, m'a été annoncée par un rêve, en Italie où je me trouvais pour présenter le recueil de nouvelles d'une amie. Je n'ai pas compris ce rêve, dont le sens ne m'est apparu que quand j'ai appris la nouvelle de la rupture d'anévrisme. Dix jours plus tard, après un coma profond, Hervé mourait. J'ai tenté, selon une méthode qui est la mienne depuis quelques années, de comprendre en quoi avait consisté la tristesse d'un tel amour, auquel certains pourraient ne pas donner le nom d'amour.
Je t’aime moi non plus.
Une histoire « simple » que nous raconte René de Ceccatty : durant neuf années, un écrivain (le narrateur) et un médecin, Hervé, vivent un amour tissé d’attente et de désespoir chez le premier, de refus et de fuites chez le second. En 2002, Hervé, le médecin, meurt d’une rupture d’anévrisme.
Histoire simple, en apparence seulement. La répétition du contenu des chapitres qui constituent cette histoire, la rende complexe. En mêlant continuellement, avec beaucoup de talent, la mélancolie et l'analyse de soi, l’auteur - nous plonge dans ses questionnements incessants sur sa relation passionnelle avec Hervé - et nous conduit à un vertige proche des portes de la folie :
- par un déchiffrement de tous les signes qui pourraient annoncer la mort d‘Hervé.
- par une recherche de tous les moments de la dépendance amoureuse.
- par un décryptage des rouages de sa propre jalousie.
- par la recherche du pourquoi de sa propre trahison (en avouant son infidélité à Hervé qui n'en a d’ailleurs rien à faire, étant lui-même intéressé par les femmes)
« Une fin » nous parle d’amour, mais aussi de possession et de mort :
« Celui que j’avais aimé et qui avait affirmé, au début de notre amour, alors illusoirement partagé, qu’il durerait jusqu’à la mort, entrait dans la mort et avec cette mort confirmait sa prédiction. »
Dans ce dernier livre René de Ceccatty trace le portrait de l’amant insaisissable sous ses deux aspects antinomiques : ténébreux et éblouissant tout en explorant lucidement les raisons d’un amour non partagé, ou que trop provisoirement. Un texte fort, où le silence est palpable, où se rassemblent, se superposent et se défont les différents moments d’un amour tant de fois rêvé : un silence parfois troublé par les affres de l'aigreur et de la jalousie.
Au détour d’une page, on découvre la question essentielle : question qui est à la fois un cri, une crainte, un espoir : « Il faut bien que tant d’amour m’ait donné une puissance visionnaire minimale, n’est-ce pas ? Ou alors c’est à désespérer d’écrire, à désespérer d’aimer. »
« Une fin » conclut le périple intérieur commencé à travers quatre livres « Aimer » (Gallimard 1996) ; « Consolation provisoire » (Gallimard 1998) ; « L’éloignement » (Gallimard 2000) ; « Fiction douce » (Seuil, 2002).
Une fin, René de Ceccatty, Éditions du Seuil, 224 pages, 2004, ISBN : 2020639823
René de Ceccatty est né le 1er janvier 1952 à Tunis. Il est romancier, traducteur (italien et japonais), critique littéraire et éditeur. Il a fait des études de philosophie. Il a vécu au Japon et en Angleterre. Il collabore régulièrement au Monde des livres. Il fait partie du comité de lecture des éditions du Seuil. Il travaille également pour le théâtre avec le metteur en scène argentin Alfredo Arias pour lequel il a participé à l'écriture de Mortadela (Molière du Meilleur Spectacle Musical 1993), de la traduction de Cachafaz de Copi (Théâtre de la Colline, 1993), des chansons de Fous des Folies (Folies Bergères, 1993-1994), du one-woman-show Nini (Théâtre du Petit Montparnasse, 1995), de Faust Argentin ( Théâtre de la Cigale, 1995, Mogador, 1996).
Du même auteur : Esther - L'extrémité du monde - L'or et la poussière - La princesse qui aimait les chenilles - L'étoile rubis - Babel des mers - Violette Leduc, éloge de la bâtarde