Du miel pour les ours, Anthony Burgess
Je mets au défi quiconque de terminer ce livre sans avoir, une fois au moins, éclaté de rire : un rire irrépressible, tonique et libérateur, marque des lectures roboratives.
L'épopée tragicomique de cet antiquaire londonien dans l'Union Soviétique de M. Khrouchtchev (le roman date du début des années 60) où il pense s'enrichir par le marché noir, verra sa confrontation avec les situations les plus rocambolesques, pour ne pas dire farfelues (enlèvement de sa femme américaine par une doctoresse soviétique et lesbienne, soulographies méritoires, tentative de passage à l'occident d'un contestataire vêtu en femme...) jusqu'à l'écroulement total de ses paisibles certitudes morales et intellectuelles – y compris sur sa propre sexualité.
Évidemment, Burgess brocarde le système soviétique, présenté comme une sinistre machine surréaliste, inhumaine mais il affiche aussi une admiration sans borne pour l'homme russe, pour son sens de la chaleur humaine, son humour et son âme d'enfant, indéfectible.
Ce grand rire ravageur se teinte alors de chaleureuse sympathie, et, au-delà des schémas et des slogans doctrinaux, c'est l'homme tout simplement qui l'émerveille, encore et malgré tout.
Ceux qui auront la chance d'avoir quelques connaissances de la musique soviétique, distilleront avec un plaisir infini les allusions de l'auteur – qui est aussi compositeur – sur la vie musicale de ce pays.
Un livre admirable, chargé d'humour et d'amour.
■ Du miel pour les ours, Anthony Burgess, Éditions Le Serpent à plumes/Motifs, 2002, ISBN : 2842613295
Du même auteur : Monsieur Enderby