Une vendange d'innocents, Robert Vigneau
Mémoire du cœur, mémoire de l'esprit, Robert Vigneau a écrit dans le silence de la solitude un hommage tendre, un texte amoureux à « ses innocents », c'est-à-dire d'humbles personnes : obscurs passants, modestes inconnus, simples amis (1) ...
Le style elliptique de Robert Vigneau, pourtant empli d'une âpreté qui infuse dans chacun de ses poèmes, ne laisse – de cette vendange de vies – aucune atmosphère de dévastation.
Contre la mort, scrupuleusement, l'auteur rend, d'une manière tendre et modeste, un hommage à la vie.
■ La maison de poésie éditeur (11 bis, rue Ballu. 75009 Paris), 2009, ISBN : 9782358600019
(1) Parmi lesquels : les poètes Raymond Busquet, Lucienne Desnoues, Arlette Fournier, Bernard Lorraine ; le poète plasticien Paul Quéré ; l'écrivain Jacque Bens ; le peintre Arthur Van Hecke.
Lire aussi la chronique de Lionel Labosse sur son site altersexualité.com
Le poème ci-dessous (ma vendange personnelle) est à hommage à cette vendange de Robert Vigneau. Il a été composé en empruntant un vers à chaque poème de son recueil :
Il prend des gestes de boxeur
Respire en satisfaction
Curieux d'inspecter les étoiles
Sur les traces d'inconnus
Impossible féminité
Cette vie qu'il ne vivait pas
L'air commun manquant d'oxygène
Bien que rasé selon la mode gay d'alors
En démonstration d'anarchiste
Sa robe était noire et ses cheveux blancs
Sans visage et qui pourtant me sourit
Retraite de trois jours de Terre
Pour qui sonne ainsi ce glas ?
Comme cette vie fait mal
Il s'y creuse un joli trou
Que l'estomac goinfré de bonheurs cannibales
À senti l'éternité
Qui m'enflamme cœur et reins
Le grand corps, ils le mirent droit
Sorte de saint silencieux
Calculent-ils ?
Son frère unique aimait un homme
Ainsi pour la gloire de Dieu
Ton pouce, inspecteur de phalanges
En manque de quoi, en quête de qui ?
Pour des précisions évasives
Lui si multiple enfin va seul
Perdit à l'essai les frêles travaux
Rit que les anges se régalent
Il se prostituait aux vieux
Il ne s'est pas massacré seul
Et les jours semblaient ne jamais finir
En demoiselle, il s'est mué
Qu'il s'écrasa d'amour pour elle
Passé simple dur à dire
Je crois, oui, non, mais oui, n'ose plus
Sans toi, difficile à croire
Mes pieds dans tes souliers, je marche pour nous deux
Héros si peu heureux de vivre
Sans pouvoir assembler ferveur ni déchirure
Pour un printemps d'éternité
Entre œuf d'épervier et œil de hibou.
Lire trois poèmes de Vendange d'innocents
Du même auteur : Planches d'anatomie - Eros au potager (encres sur papier) - Ritournelles - Fariboles à l'école – Oraison