Pier Paolo Pasolini, Nico Naldini
Pier Paolo Pasolini meurt à cinquante-trois ans, assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, dans des conditions jamais élucidées. Le meurtrier a dix-sept ans. Pasolini est homosexuel. L'écrivain, célèbre, est suspect à droite et à gauche. Il a tourné un film fort dérangeant : Salo qui montre ce qu'est vraiment le fascisme.
Sa mort – alors qu'il draguait comme souvent il aimait le faire, seul, la nuit – prend une démesure romanesque mais gêne et tourmente les officiels et ses proches. Sa mère, qui voue un culte à son fils prodige et scandaleux, est encore vivante quand il disparaît. A-t-on voulu l'épargner ? Et si des ennemis politiques avaient camouflé en tuerie sordide, une mort qui les délivrait d'un témoin trop vigilant ?
Cette fin spectaculaire qui aurait pu être celle d'un héros de film pasolinien restera un mystère. Pasolini entre dans la légende. Et ce n'est pas la biographie de Nico Naldini qui rend transparents les mobiles de ce meurtre. Nico Naldini, le cousin de Pier Paolo, qui vécut près de lui depuis l'enfance, arrête sa biographie à la veille du drame. Pas un mot sur ce qu'il pense de la mort d'un homme dont il connaît tous les secrets.
« Pier Paolo Pasolini » est donc le livre que Nico Naldini dédie à la mémoire de son cousin germain. La tendresse entre les deux hommes, les liens étroits entre Nico et la mère du poète, autant de raisons qui expliquent l'immense pudeur, la prudence de cette biographie qui ne veut rien dire de plus que ce que l'écrivain a confié dans ses romans, ses poèmes, sa correspondance, journaux intimes que Naldini a la responsabilité de gérer.
Sur l'homosexualité de Pier Paolo Pasolini, Nico Naldini ne fait bien sûr planer aucun doute. Elle fut totale et exclusive. Pasolini s'en est sans cesse prévalu. Pasolini dénonça toute sa vie la sexualité hypocrite des Italiens qui ne se plaisent qu'entre hommes mais fustigent les pédés avec d'autant plus d'âpreté qu'ils se défendent d'une permanente tentation homosexuelle. Pasolini était attiré par les garçons jeunes issus du peuple, camarades d'adolescence dans le temps béni où la frustration sexuelle des futurs machos s'accommodait fort bien de jeux furtifs, loin des filles, après le bain où s'exhibait leur virilité.
Dans sa maturité Pasolini aima un gosse du peuple (quinze ans), inculte et sauvage, Ninetto qui hante plusieurs de ses films, puis des gigolos ramassés près de la gare de Rome. Pasolini jugea très sévèrement le coming-out homosexuel à la mode américaine. Que dirait aujourd'hui un Pasolini si on l'interviewait sur le mariage homosexuel ?
La biographie de Nico Naldini est intéressante pour les très belles pages sur l'enfance et l'adolescence de l'écrivain ; il y a une étude très méticuleuse du poète qui, très jeune, prend conscience de sa vocation de créateur. Le portrait de l'homme doux et intègre qui toujours remet en questions son regard politique est superbe. Celui aussi de Pier Paolo qui fait la classe aux garçons de la campagne et sait que la culture est le moyen le plus sûr d'accéder à la liberté.
Il y a aussi une analyse des rapports ambigus de Pasolini avec le Parti communiste, la bourgeoisie et l'Église. La mort du frère, l'amitié, les prises de position, les femmes, les voyages de Pasolini, son œuvre littéraire et cinématographique.
■ Pier Paolo Pasolini, Nico Naldini, traduit de l'italien par René de Ceccatty, éditions Gallimard/Biographies, 1991, ISBN : 2070723763
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