Bouvard, Flaubert et Pécuchet, Roger Kempf
Le chef-d'œuvre de Flaubert – Bouvard et Pécuchet – est, au-delà de la satire d'une société bourgeoise, l'exaltation de l'amitié virile, la nostalgie d'un possible paradis terrestre où deux hommes formeraient un couple solide et fidèle dans la communion de chaque instant, une histoire d'amour parfaite qui offrirait sa sérénité et sa profondeur contre les fluctuations de la passion hétérosexuelle et les servitudes de la vie conjugale.
Flaubert a vécu en célibataire. Il consacra beaucoup à l'amitié (Louis Bouilhet et Maxime du Camp). Il rêvait d'une maison où deux hommes écrivains partageraient des jours heureux de connivence affective et intellectuelle (1). Une vie d'adulte dans le prolongement des amitiés adolescentes.
Roger Kempf ouvre le labyrinthe de la personnalité de Flaubert qui aimait la liberté des réunions d'hommes, ne s'étonnait pas d'être attiré par « l'absolue beauté de l'adolescent de Damas » et qui dans ses lettres (au temps de l'inénarrable Ambroise Tardieu grand pourfendeur de l'onanisme) comparait « le travail de l'écrivain à un exercice de masturbation inlassablement répété ! Qui plus est, [il] s'était abîmé, au sens propre, cette fois, dans un orientalisme ordurier. Voyez-le dans son étuve, guettant sans vergogne un gamin, tandis que Du Camp, fort excité par les Négrillons, se faisait polluer, en reconnaissant y prendre du plaisir – circonstance aggravante – dans les quartiers déserts du Caire. »
Roger Kempf décrypte avec enthousiasme les chemins souterrains de Bouvard et Pécuchet :
« Pourquoi s'être tant inquiété de la couleur jaune de Madame Bovary, et si peu de la couleur tendre choisie par Flaubert pour Bouvard et Pécuchet ? »
■ Bouvard, Flaubert et Pécuchet, Roger Kempf, Éditions Grasset, 1990, ISBN : 2246438411
(1) cf. par exemple, le double pupitre qu'installent Bouvard et Pécuchet.
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De Jean-Paul Aron et Roger Kempf, lire aussi : Le pénis et la démoralisation de l'Occident