Neiges de marbre, Mohammed Dib

Roussia et son amant algérien se séparent, mais elle, ici, en Finlande, est chez elle, et lui n'y est qu'un étranger : il devra repartir seul, privé de sa fillette Lyyl, le seul amour parvenu à lui redonner une place, une valeur, en ce monde.

Problème des mariages mixtes ? Des enfants du divorce et de la paternité frustrée par les lois matriarcales ? C'est plus que cela.

Chaque évocation de l'enfant – sa beauté, son gazouillis, ses mots, ses jeux, son monde imaginaire plein de rires, de tendresses et de prodiges – en en faisant douloureusement un petit djinn noiraud perdu au pays du silence et de la glace parle d'une déchirure plus grave encore, de l'arrachement des premières racines : là-bas, alors, le Sud cesse d'être la terre fantasmée de la lumière, de la chaleur, de l'innocence originelle.

En Algérie agonise une vieille mère esseulée : l'aïeule de Lyyl, que la petite ne connaîtra jamais.

L'homme, ici, dans cette chronique de tous les exils, de toutes les humiliations, privé de sa descendance, est dépossédé de ses rêves, de son espoir.

Émigré toujours, pas immigré. La neige qui tombe sur ses cheveux crépus a le froid du marbre. Reste une plainte d'une pudeur poignante, exhalée dans une langue enchantée.

■ Neiges de marbre, Mohammed Dib, Éditions de La Différence/Minos, 2003, ISBN : 2729114939