La couronne de Méléagre
La couronne de Méléagre, Anthologie grecque, édition bilingue, rappelle l'extraordinaire liberté des poètes de ce temps.
Méléagre (135-60 avant notre ère) est un amoureux fervent de la beauté menacée par la fuite du temps. Et un « Grec d'Asie », empreint de la grâce orientale, ne peut que faire référence à la séduction des garçons, une sensualité païenne :
« Amour hétéro- ou homosexuel, on ne faisait pas le partage dans les premières couronnes. Straton de Sardes y puisa pour alimenter sa Muse garçonnière, qu'on nomme couramment La Muse de Straton : après lui, les deux amours restèrent séparés, et l'actuel livre XII de l'Anthologie regroupa les épigrammes sur l'amour des garçons. », écrit Dominique Buisset dans sa préface (p. 10).
« Cypris est mon capitaine, et l'Amour prend le quart : / la main au gouvernail de mon âme, il tient la barre. / Un fort coup de désir a soufflé en tempête, et à l’heure / qu'il est, je nage dans une mère noire / de garçons de toutes les couleurs. » (p. 105)
Méléagre
Méléagre est censé regrouper les auteurs d'épigrammes (1) qui l'ont précédé, comme Alcée (vers 630 av. J.-C.) :
« Ta jambe, Nicandre, se couvre de poils. / Prends garde qu'à ton insu / la même chose n'arrive à ton cul ! / Tu verras quelle disette / d'amoureux ! Mets-toi bien à temps dans la tête / que la jeunesse s'en va quand on la rappelle. » (p. 21)
Ou comme ce Phaidimos de Byzanthé ou d'Amastris (vers 250-200 av. J.-C.) qui fait rêver que la guerre pouvait faire aussi bon ménage avec l'amour des hommes :
« Ton arc, dont la puissance / a tué le Géant, retiens-en la violence, / toi qui frappes et règnes au loin ! / N'ouvre pas ton carquois tueur de loups ! / Mais tourne sur les jeunes gens cette flèche d'Eros, / Qu'ils défendent leur patrie, / Pleins d'amour viril, en héros ! » (p. 73)
■ Éditions La Différence/Orphée, 1990, ISBN : 2729105646
(1) : Sainte-Beuve (cité par Littré) écrivait dans Le Constitutionnel en 1864 : « L'épigramme, pour les Anciens, était une petite pièce qui ne dépassait pas huit ou dix vers, d'ordinaire en vers hexamètres et pentamètres ; c'était une inscription soit tumulaire, soit triomphale, soit votive ou descriptive ; une peinture pastorale trop courte pour faire une idylle, une déclaration ou une plainte amoureuse trop peu développée pour faire une élégie ; la raillerie y a aussi sa part, mais une part restreinte, tandis que, dans les épigrammes modernes, elle est presque tout , et que c'est toujours le trait et la pointe finale à quoi l'on vise. » (p. 11, dans la préface de Dominique Buisset)