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Lettres de Mordovie, Edouard Kouznetsov

Publié le par Jean-Yves

Le goulag... Edouard Kouznetsov y a passé presque toutes les années 70. Il livre ses lettres de forçat, lettres de douleur, d'espoir et de vérité.

 

Connaît-on l'histoire d'Albert ? Du trop bel Albert, violé un soir et condamné dès lors à la vengeance et à sa perte. Au camp, ceux qui sont pris comme « femmes » deviennent des intouchables – façon de parler. À jamais victimes de l'ostracisme et du mépris des autres qui se satisfont d'eux.

 

Mais le détenu Kouznetsov, qui se souvient de la maison des morts de Dostoïevski, constate à son grand étonnement qu'on peut être « chèvre » et excellent homme, et il en profite pour s'interroger sur l'homosexualité forcée des camps, très répandue ; alors que la loi soviétique interdit toutes les amours masculines.

 

Un peu d'histoire et quelques chiffres amènent l'auteur à la conclusion que les bagnards sont rarement poursuivis pour leurs accouplements intra-muros, mais que la menace permanente du châtiment fonde à elle seule l'utilité de la loi répressive.

 

Situation absurde où une pratique nécessaire à la (sur)vie des détenus et cyniquement tolérée est condamnée moralement par ces derniers et légalement par leurs bourreaux. Étranges retrouvailles des victimes d'une homophobie ravageuse.

 

Kouznetsov, devant Albert, ne voit plus les enculés de la même façon. Quelle importance ? semble-t-il dire à son fascinant compagnon, tu ne vas pas te tuer pour ça. Au-delà du viol, c'est bien l'homosexualité et sa honte qui constituent le drame d'Albert.

 

■ Éditions Gallimard/Témoins, 1981, ISBN : 2070232492

 

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