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La danse du coucou, Aidan Chambers (1)

Publié le par Jean-Yves Alt

Le titre anglais : Danse sur ma tombe (Dance on my Grave) est plus explicite. Le traducteur Jean Pierre Carasso a-t-il hésité ? "J'irai danser sur ta tombe" rappelait un vieux scandale !

L'amour fou entre le jeune Henry (16 ans) et le beau Barry (18 ans) est donné comme naturel. Si cette passion, exclusive du côté d'Henry, connaît joies et malheurs, c'est tout simplement parce qu'elle s'inscrit dans les illusions et les réalités de tous les amours. Quand Henry se travestit en jeune fille pour pénétrer dans la morgue où repose le corps de celui qu'il veut voir une dernière fois, c'est parce que ce stratagème lui ouvre la sympathie du gardien.

Et s'il abuse son monde, c'est parce que sa jeunesse autorise l'ambiguïté, la beauté n'a pas de sexe... à 16 ans !

Chambers a trouvé une écriture enthousiaste, violente et pudique d'un adolescent secret qui aime la littérature et obtient d'excellentes notes pour ses dissertations. Henry d'ailleurs se sauvera... par l'écriture, de la tragédie qui anéantit son bonheur. De cette précoce expérience de la passion et de la mort, il gagnera la volonté d'être un écrivain. Pour sauver la précarité des choses humaines.

La danse du coucou n'est pas un roman triste. Henry – surnommé Hal – a la chance de connaître, très jeune, un grand amour. Un amour épanoui sans références coupables, un amour où il fait bon jouir, dans le calme de longues nuits de caresses. Barry aime la vie et l'aventure intérieure. Les deux garçons partagent la sexualité, ils partagent aussi la musique, les randonnées à moto, les heures pleines des confidences. Oui, Henry a connu le meilleur. Si, enfant, il a cherché le copain idéal, sans le trouver, adolescent il a vécu ce qu'il avait rêvé.

On peut s'interroger pourquoi Aidan Chambers a-t-il cru bon de faire mourir l'un des héros ? Soumission inconsciente à la vieille histoire de Tristan et Iseult ? A-t-il craint une happy end où les deux garçons se marieraient et auraient beaucoup d'enfants. D'autant plus que la mort/suicide (ou accident) de Barry ne s'explique pas dans le déroulement romanesque.

danse-du-coucou-chambers.jpgLe paysage de ce roman est une station balnéaire à l'embouchure de la Tamise. Les parents d'Henry s'occupent d'un terrain de jeux. L'endroit n'est pas idyllique, mais on y vend de longs sucres d'orge appelés souvenirs de Southend. Un souvenir de Southend sera pour les deux amants le code qui signifie faire l'amour : « Et il m'offrit un nouveau souvenir de Southend d'un genre que je ne connaissais pas encore. »

Et cette danse sur la tombe ? Elle est une danse de la vie. Elle conjure les mauvais esprits qui veulent persuader que les joies se paient. Henry, comme enrichi de la brève existence de son ami, est maintenant prêt à accepter que les bonheurs soient multiples et que l'essentiel repose dans sa mémoire. Il ira très simplement vers le copain longtemps admiré, Spike et, aussi simplement, ils feront l'amour : transmettre le souvenir de Southend.

■ La danse du coucou, Aidan Chambers, Éditions du Seuil/Points-Virgule,1983, ISBN : 2020066246


Lire la chronique de Didier Varrod parue dans la Revue Masques n°21 au printemps 1984


Lire l'analyse de Lionel Labosse


Du même auteur : La maison du pont


Ce roman "La danse du coucou" a été adapté au cinéma par François Ozon, sous le titre "Été 85", en 2020

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