Hommage et grotesquerie critique par Arcimboldo
Cette tête de Vertumne, le dieu romain de la végétation, serait le portrait de Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612), empereur du Saint Empire romain germanique, roi de Bohême et de Hongrie, né à Vienne et mort à Prague.
Reconnaissons que ce portrait bouffi, puissant, fantaisiste et hors du commun convient finalement assez bien à ce qu'on sait de Rodolphe : adepte de la Contre-Réforme, amateur de femmes et de bonne chère, tempérament mélancolique sujet à des accès de folie, souverain déplorable mais instruit, protecteur des arts et des sciences mais aimant s'entourer d'alchimistes et d'astrologues.
On sait aujourd'hui, grâce à la littérature de l'époque, que ce portrait à charge se voulait en réalité un éloge du souverain, dont les fleurs et les fruits s'épanouissant sur sa face donnent le sens de son règne : le retour à un âge d'or, de paix et de prospérité.
Arcimboldo – Vertumne – vers 1590
Huile sur bois, 68cm x 56cm, Stockholm, Suède
Les trouvailles d'Arcimboldo – dans le choix des végétaux – ont, à l'intérieur d'un même tableau, un effet recherché parfois laborieux : les cernes-poires, les lèvres-cerises dans ce tableau.
Mais on peut bien sûr penser que ces effets disparates répondent à l'ambiguïté fondamentale des œuvres d'Arcimboldo, oscillant sans cesse entre la magie qui rend hommage et la grotesquerie critique.