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Le « crime » d'Onan par Paul Reboux

Publié le par Jean-Yves Alt

On verra plus loin que, pratiquer à deux le "crime" d'Onan, c'est là le grand reproche formulé contre les monosexuels.

L'Onan de la Bible, quand il fut mis en demeure d'épouser la veuve de son frère, a esquivé la procréation pour ne pas engendrer, alors que c'était son devoir familial. Il désobéissait à l'ordre paternel. Il avait l'intention, la volonté de désobéir. La stérilité était sa raison d'agir.

Mais il en va tout autrement pour ceux à qui nul devoir matrimonial n'est imposé, pour ceux qui en sont réduits à leurs propres moyens. L'esprit de désobéissance n'est pas en eux. Ils s'exonèrent parce que la Nature les anime de besoins qu'ils ne peuvent satisfaire autrement. Au lieu de se dérober à ses lois, ils s'y conforment, bien que leur soient refusés les moyens de lui obéir pleinement. Ils lui sont indirectement dociles. Chercher un substitut, se contenter d'un pis-aller, n'est pas un crime.

On a, jadis, rédigé des diatribes risibles contre les dangers prétendus horribles qui résultent de cet exercice.

Voici ce que l'on prophétisait jadis dans les manuels d'hygiène :

« Si vous gaspillez ainsi vos forces, votre cou se gonflera extraordinairement. Votre voix s'enrouera. Vous deviendrez incapable d'absorber des aliments solides ou liquides. Vous languirez misérablement, plus pâle qu'un cadavre, gisant sur de la paille, maigre, sale, répandant une odeur infecte, perdant par le nez un sang pâle et aqueux. La bave vous sortira perpétuellement de la bouche. Tels sont, enfants, les affreux ravages d'un égarement qui ne tarderait pas à vous enchaîner si jamais vous en faisiez l'expérience. »

On croit entendre une prédication du Moyen-âge, pleine de menaces, de diables d'enfer, de marmites où mijotent les réprouvés, touillés à coups de fourches démoniaques.

Mais voici, au contraire, ce qu'écrivent les médecins d'aujourd'hui à ce propos :

« On ne peut, dit le docteur J.-R. Nazier (dans ses "Trois Entretiens", publiés par la collection de la Bibliothèque de Vulgarisation Scientifique) que s'incliner devant les louables intentions de l'auteur. Mais il faut reconnaître qu'il a beaucoup exagéré les prétendus dangers de ce contre quoi il lance ainsi l'anathème. Ce procédé fait partie, a remarqué Rémy de Gourmont, des gestes habituels de la nature. Pour presque tous les poissons, c'est le seul mode d'activité sexuelle. Cette campagne féroce date de la publication au XVIIIe siècle, en Angleterre, d'un ouvrage publicitaire qui poussait à l'acquisition d'une mixture sédative préservant de tels périls. Les buts mercantiles du livre ne furent pas compris par des moralistes en mal de citations. Et ils reproduisirent avec horreur des lignes de ce prospectus. Par l'examen des faits, on constate que personne n'a jamais été conduit par cette pratique à l'épuisement physique et intellectuel ou à la folie. »

Ces affirmations gratuites des moralistes d'hier ont exposé les jeunes gens à des aventures aux suites souvent funestes. Elles leur ont fait beaucoup plus de mal qu'ils n'en auraient subi par l'effet d'un exutoire solitaire et salutaire.

Tous les psychiatres ont constaté que, pratiqué modérément, cet usage n'est pas nuisible. C'est aussi l'avis du docteur suisse Robert Chable, du docteur René d'Allendy, de la doctoresse Sokolnicka, psychanalyste éminente, du professeur suisse Forel.

Le professeur Dejerine, lui aussi, est d'avis que ni la perte, ni l'ébranlement nerveux qu'elle accompagne, ne fatigueront un jeune homme. Ce qui l'épuise, c'est d'être obsédé par une idée de reproche moral ou par la terreur d'un épuisement physique. Les hantises provoquées par ces sermons mènent les jeunes gens à la neurasthénie, et parfois au suicide.

Le docteur René Guyon, dans La légitimité des Actes sexuels, et le docteur Raymond Harvey, sont d'avis qu'il en est de l'abus et de la précocité de ce soulagement exactement comme de l'acte normal et licite. La fréquence est à désapprouver dans l'un comme dans l'autre cas. Ni plus, ni moins.

Havelock Ellis nous affirme que d'illustres savants, des Philosophes, des écrivains de génie, ont usé de cette exonération solitaire pour le plus grand bien de leur sécurité hygiénique, de la paix de leurs sens et de la lucidité de leur esprit. Socrate, Diogène se donnaient en exemples à leurs disciples.

Il en est des homélies contre la masturbation – puisqu'il faut enfin l'appeler par son nom – comme de toutes les choses sexuelles.

Elles étaient assurément condamnables du temps où il fallait peupler la terre.

Elles ont cessé de l'être dès que le monde a été suffisamment peuplé.

Ne vont-elles pas devenir recommandables, puisque l'on a constaté les dangers de son surpeuplement ?

Déjà Havelock Ellis, professeur à l'université de Harward, l'un des physiologistes les plus éminents, a écrit, à propos des monosexuels :

« Ils sont, sur le plan moral, l'équivalent de ceux qui, sur le plan physiologique, sont des arthritiques, des rhumatisants, des cardiaques ou des gastralgiques. Non ! Il ne faudrait plus parler de l'amour homosexuel comme d'un égarement de l'instinct génital, comme de la marque d'un développement inférieur, comme d'une faute malheureuse. Il faudrait en parler comme d'une passion naturelle, pure, simple, digne de la tolérance de toutes les nations affinées. »

Paul Reboux

in Sens Interdits : Sodome – Gomorrhe, éditions Raoul Solar, Monaco, 1951, pp. 17-20

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