Quand la rue devient un lieu idéal, ingouvernable par Renaud Camus
« Je suis allé à l'île funèbre avec un Romain aux cheveux cendrés que j'avais rencontré la veille, vers minuit, sous la pluie, sur le quai des Nouvelles-Procuraties. Nous nous sommes quittés pour toujours près d'un kiosque à journaux. Notre pur désir d'être ensemble, notre amusement, notre réciproque tendresse n'étaient entachés d'aucune des arrières-pensées de la durée, de l'attachement, de la possession... Son charme et sa gentillesse, ma violente affection pour lui, notre désir à l'un et à l'autre de nous montrer sous notre meilleur jour, tout cela était en pure perte. J'ai aimé passionnément, oui, et surtout en voyage, les rencontres de ce genre ; et d'avoir joué un petit rôle, mais pour moi délicieux, dans la ronde des désirs, telle qu'elle se danse, des corps et des yeux, dans les rues et les jardins des villes: je ne m'en écarterai pas sans tristesse. »
Renaud Camus
in Journal d'un voyage en France, éditions POL, 1981, ISBN : 2010067819