Le songe, Henry de Montherlant (1922)
Dans « Le Songe », premier roman de l'auteur, s'emmêlent le thème de l'amour et celui de la guerre. Alban de Bricoule, figure romanesque de Montherlant lui-même, part volontairement pour le front voyant dans le combat le moyen de durcir son corps et son âme. Il se ferme à la pitié, s'exalte dans le meurtre qui le transforme et le grandit.
La guerre donnerait un sens provisoire à la vie, révèlerait ce qu'il y a de meilleur en l'homme. Alban croit que la guerre simplifie l'entrée dans le monde ; comme le collège, elle offrirait des occasions de se mettre au premier rang parmi de jeunes hommes forts et ardents.
Quand le Père de Destour lui demande s'il veut se consacrer à Dieu, Alban implore un délai, car, si d'une part l'action guerrière l'occupe, d'autre part, il a l'effroi d'une chasteté jurée. Il ne peut se passer des plaisirs de la chair et il appelle souvent les tendres consentements de Douce, son amie.
Mais point d'amour romantique, où la sensibilité se mêle à la vie sexuelle. Il réserve son admiration, ses facultés d'aimer pour une autre amie, Dominique Soubrier ; il l'a rencontrée au stade :
« La fille forte avec, ses épaules droites, le casque de sa chevelure, ses mains héroïques qui lançaient le javelot », c'est la sœur des victoires semblables aux amazones des temples grecs, dont Alban admire le corps, les muscles, les lignes vigoureuses, sans que le désir sexuel l'effleure, pain de beauté, organisme tendu et entraîné pour la victoire, l'équilibre, sans les inquiétudes et les troubles de l'amour.
Le sentiment d'Alban meurt tout d'un coup quand il retrouve Dominique amollie par des tentations fréquentes et prête à se donner. Il ne peut voir en elle l'instrument de son plaisir, et repart vers les tranchées.
■ Le songe, Henry de Montherlant, Éditions Gallimard/Folio, 1983, ISBN : 2070374580
Du même auteur : Les garçons - Thrasylle - Moustique - Correspondance avec Roger Peyrefitte 1938-1941
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