Une Crucifixion de Mathias Grünewald vu par Emile Verhaeren
« La Crucifixion du Musée de Bâle est d'une tout autre qualité d'art. Elle est très caractéristique et très grünewaldienne. Elle contient en puissance les Crucifixions de Colmar et de Tauberbischofsheim. Elle semble un essai, un germe. Pour la première fois, […] on surprend le drame divin tel que Grünewald le concevait ; nocturne, exacerbé et solitaire, se passant là-bas, quelque part, au bout de la terre, en des tête-à-tête terribles.
Le ciel est d'encre. La terre d'une couleur étrangement verte.
Plusieurs personnages forment un groupe sous le gibet : Vierge, Madeleine, saintes femmes.
Le Christ meurt déchiqueté, bouffi, lamentable. Sa peau semble trouée comme une éponge ; elle dégoutte de sang.
Un soldat cuirassé et casqué lève un geste d'attestation et de proclamation, et ce geste fait prévoir celui du saint Jean-Baptiste au Musée de Colmar, un des plus hauts, des plus grands, des plus éloquents qui soient dans la peinture.
Matthias Grünewald – Crucifixion du Musée de Bâle – vers 1502
On peut donc attester non seulement que cette page du Musée de Bâle est un incontestable Grünewald, mais aussi qu'elle a été peinte, avant toutes les autres qui profèrent un sujet identique. »
in Sensations d'Art, Émile Verhaeren, Éditions Séguier, 1989, ISBN : 2877360261, p. 81