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Adieu mes jolis, un télé-film de David Delrieux (1989)

Publié le par Jean-Yves Alt

Allan et Willy s'aiment. Amour entre hommes et solitude. Une femme apparaît : idylle, naufrage, impasse... La liaison des deux amants sortira victorieuse de cette "épreuve".

Un télé-film provocateur, diffusé en septembre 1990 sur La Sept.

Deux hommes s'aiment, vivent et travaillent ensemble. Allan (Dominic Gould) et Willy (Serge Dupire) partagent ensemble les échafaudages, dans la salle désaffectée d'un cinéma de Lisbonne : « You're Lonely », show d'enfer où les corps se bousculent, s'évitent et recherchent les frottements violents dus aux mots. Un vrai ballet homo-érotique où la sueur sous les projos et leurs cris communiquent un message à la fois plein de provocations et d'interrogations.

Au commencement était le verbe : le personnage principal est sans doute le langage. L'amour, ce sont des mots :

« Laisse-moi déboutonner ta braguette et te sucer comme une bête qui cherche une proie [...] Tu veux seulement toucher quelqu'un et tu comprends que ça ne va jamais changer en ce monde et tu es baisé par une queue de vingt centimètres. »

Le public hurle, vocifère, siffle, sait-on vraiment ce qu'il ressent, ce qu'il reçoit, qui le touche et l'atteint au plus profond de lui-même ?

A l'autre bout de la ville, il y a Karl, quinquagénaire déglingué en vieil amoureux farouche jamais résigné (Philippe Léotard) et Lise (Anne Roussel). Lise, trop jeune, trop fragile, cherchant la syntaxe de son existence à corps perdu.

Entre Lise et Karl, qu'est-ce qui marche ? Tout semble au point mort : leur vie à deux, leur projet de spectacle (eux aussi sont des comédiens vagabonds), la seule force du désir de l'un qui ne peut les rassembler.

Lise décide pourtant de s'échapper de l'enlisement :

« J'ai la permission de quelle heure ? »

« Le temps de bien te faire foutre », lui rétorque Karl prémonitoire !

C'est alors que se croisent cette noyée vivante, incapable de remonter le courant de ses désirs, d'en lire les signes éparpillés, et le couple Allan-Willy.

Ainsi Lise tente-t-elle de se glisser dans l'histoire de ces deux mecs. Au jeu violent, si naturel pourtant, des deux beaux Américains, elle répond par son propre jeu de séduction. Femme-enfant, éperdue, rescapée d'un naufrage intime qui réclame des bras musclés et tendres. Séduire ceux pour qui l'enjeu des attirances ne passe pas, en principe, par la femme.

Pourtant cela marche : une idylle se noue entre Lise et Allan. Que fait Willy ? Il accompagne en silence, il suit, loin, du regard, manifeste son impatience. C'est tout, presque.

On oublierait presque Karl, l'amant fatigué s'il ne poursuivait le film personnel de son désastre amoureux au fil des rues de Lisbonne.

Les mots anglais, français, portugais s'ajoutent, se côtoient, métaphore de la Tour de Babel : musicalité des mots de l'autre incompris, qui disent aussi l'incommunicabilité du désir pour chacun.

Pendant tout le film, il n'y aucun langage amoureux entre les deux homos : seul leur regard révèle la puissance secrète de leur liaison.

Cette absence d'un dialogue amoureux entre eux fait signe : la liaison perturbée Allan-Willy sortira victorieuse de cette "épreuve" avec Lise car ce qui révèle la tranquille force de ce couple homosexuel, au regard des autres, c'est ce non-besoin d'un discours amoureux exhibé.

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