François Augiéras au mont Athos
Dans "Un voyage au Mont Athos", le narrateur, aux abords de la trentaine, voyage de monastère en monastère sur la montagne sainte, à la recherche d'un « Maître ». Au cours de ses pérégrinations, de vieux moines orthodoxes « à la barbe hirsute », ne manqueront pas d'abuser physiquement de lui, pour son plus grand plaisir d'ailleurs :
« Une forte odeur de crasse se dégageait de sa personne. [...] Il avait cru, en entrant dans ma chambre, qu'il allait à l'instant me traiter comme on violente une fille. Robuste encore, mais ayant trop présumé de ses forces, il devait se contenter de me baiser les yeux ! De mon côté, tout disposé à de très grands outrages, il me fallait me satisfaire du délicieux contact de sa langue sur mes paupières closes ! Le temps passait, nous en étions au même point. Il osait enfin me caresser le dos ! Non pas tellement qu'il y prenait du plaisir ! Mais dans l'espoir d'un possible retour de ses forces d'antan, il laissait une main à tout hasard, se rapprocher de mes reins ; tandis que de l'autre, par divers mouvements, il aidait la nature à retrouver une verdeur perdue. [...] J'étais à demi nu ; ma peau, rendue très sensible en raison de la fraîcheur de l'air, frémit de plaisir aux premières caresses un peu vives. Il touchait maintenant mes hanches, toujours plus tendrement, d'une manière exquisement habile. Depuis un moment il avait cessé de fourbir des armes qui n'étaient plus de bois. D'un geste brusque, il fit glisser sur mes chevilles les vêtements défaits qui me couvraient les cuisses, et il monta sur mon lit. Ma longue attente, mon impatience extrême, une attaque un peu rude me portèrent aussitôt jusqu'à des plaisirs qui, pour être grossiers, n'en étaient pas moins délicieux. Un nocturne hululait ; un charme venait des arbres : séduit, possédé, violenté, habité par un autre, je n'étais plus seul en moi-même. La part féminine de mon caractère participait, dans un parfait délire, à l'éternité de la vie ; je me sentais brutalement distrait d'une solitude qui me pesait souvent. [...] Par des grognements et des baisers furtifs, il me manifestait tout son contentement ; il me murmurait à l'oreille mille remerciements d'avoir considéré plus d'une heure, sans un mouvement d'impatience, que son grand âge ne le rendait pas des plus vifs : j'étais un ange de douceur et de bonté pour lui ! »
François Augiéras
■ in "Un voyage au mont Athos", Editions Grasset/Les cahiers rouges, 2006, ISBN : 2246522129
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