Les roses de cendre, Erik Poulet-Reney
Comme tous les étés, Armande que ses proches appellent Mady, s’apprête à recevoir à Vézelay, sa petite fille Suzelle, une toute jeune ballerine.
Cette dernière est cette année particulièrement contrariée, car son amant Mathis, lui aussi danseur, a accepté un contrat d’une année à Berlin : une année à l’attendre.
«Mathis est un fils du vent.» Suzelle ne lui a d’ailleurs pas annoncé qu’elle est enceinte de lui et qu’à son retour, elle ne sera pas seule. Suzelle retrouve son meilleur ami d’enfance Romain qui est venu, lui aussi, passer quelques jours à Vézelay en compagnie de Takis, son jeune amant. Ce couple de garçons ne choque pas la grand-mère ; pourtant cela ravive en elle de mauvais souvenirs. «Elle savait qu’en accueillant ces garçons au cœur de ses souvenirs, elle allait devoir lutter contre ses vieux démons.» Le cadeau de Suzelle -des boucles d’oreilles faites de perles bleues incrustées dans un triangle d’or- finira de la troubler. Jamais je ne pourrai les porter. Jamais... songe Armande. Suzelle pense tout d'abord que sa grand-mère devient folle. Elle comprend qu'il s'agit d'autre chose en trouvant une photographie dont les visages sont découpés...
Elle découvrira finalement un lourd secret qu’elle n’aurait jamais pu imaginer : une sombre histoire de jalousie amoureuse qui aboutira à la déportation de son oncle homosexuel, le propre frère d’Armande.
Avec ce roman, la littérature de jeunesse s'attaque pour la première fois au thème de la déportation des homosexuels.
Historiquement le thème est correctement traité : Armande et son frère homosexuel Clément sont alsaciens pendant la guerre. Ils «appartiennent» donc au troisième Reich. Il est logique que Clément soit alors affublé du triangle rose.
L’histoire racontée par l’auteur paraît tout à fait crédible même si on perçoit ici ou là quelques artifices narratifs (par exemple le trouble causé par la forme en triangle des boucles d’oreilles).
Le titre de l’ouvrage «Les roses de cendre» fait allusion à la passion d'Armande -en l’hommage de son frère- pour les roses de couleur rose qu’elle cultivera à Vézelay, après avoir quitté son Alsace natale. L’auteur, pour marquer l’importance de ces fleurs, fera offrir à Armande par Romain un rosier de couleur orange qui ne voudra pas reprendre : l’artifice est ici pertinent et permettra sans doute aux jeunes lecteurs de lire une dimension symbolique dans ce roman.
Après le succès d' «Un amour à taire», téléfilm sur France2, ce roman pour adolescents vient combler à son tour ce pan longtemps passé sous silence de la guerre des nazis contre l'humanité.
■ Les roses de cendre, Erik Poulet-Reney, Editions Syros, Collection Les uns les autres, 2005, ISBN : 2748503635
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