Homosexualité : « Le jour où j'ai su » (1)
Pour certains, c’est une évidence de toujours. Pour d’autres, elle a surgi brutalement, au détour d’une relation qui ne leur convenait plus. Des hommes et des femmes nous racontent comment ils se sont découverts homosexuels. Analyse et confidences dans le magazine Psychologies n°242 de Juin 2005.
EXTRAIT :
« Il y a une grande différence entre le savoir et le sentir. Je l'ai "su" très tôt. Dès 5-6 ans, les premières émotions, les plus violentes, étaient orientées dans ce sens... il y eut par la suite une très longue période où, le désir le plus fort étant inquiétant, je l'ai perçu dans un flou permanent; tandis que le désir le moins fort était perpétuellement sollicité, exalté...
Je voulais avoir la force nécessaire de choisir l'objet de mon désir. Un combat incessant, douloureux, et qui témoigne bien du fait que je pensais que cela pouvait encore "s'arranger". Jusqu'au moment où j'ai eu ma première véritable aventure avec une fille et où j'ai vu que cela ne marchait pas. Je n'aimais pas, je n'y étais pas.
C'est ce jour-là qu'on le "sent", physiquement. J'avais environ 25 ans et la certitude que c'était sans retour, que cela faisait partie de mon identité de manière irréversible. Sentir, cela m'a pris comme une poignée de fer, et mon monde a sombré dans un désordre indescriptible. Le problème n'était pas d'affronter la famille ; nolens volens, j'y serais venu de toute façon. Non, ce qui m'écrasait, c'était l'idée d'affronter le retranchement du monde.
Cette angoisse ne m'a jamais quitté. L'écrire a, éventuellement, été une façon de la mettre en perspective, de l'inscrire. Je l'ai figée sur papier comme j'aurais pu lui dire : "Calme-toi", "Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille", pour citer Baudelaire... Après avoir "su" et après avoir "senti", vient ce jour où l'on cesse de subir.
Mais n'allez pas en conclure que je suis un nostalgique de l'hétérosexualité. Non, au fond, j'aurais aimé être un hétéro qui peut, de temps en temps, avoir des expériences avec des hommes. Voilà mon idéal : avoir une capacité d'amour universelle. »
Frédéric MITTERRAND, journaliste et écrivain