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De sable et de sang, un film de Jeanne Labrune (1987)

Publié le par Jean-Yves Alt

Un film sur les ambiguïtés entre hommes qui illustre magistralement le thème de la peur : peur de l'autre et peur du monde, et par-dessus tout, plus forte et plus cachée au fond de l'être, peur de soi-même, cet inconnu.

Fils d'immigrés espagnols ayant fui le franquisme, Manuel (Sami Frey) semble couler une paisible existence auprès de son épouse et de ses enfants. Ancien chirurgien, il s'accroche à des certitudes qui le rassurent : la famille, le travail, la répulsion de l'Espagne et de tout ce qu'elle exalte, notamment ce rituel barbare de la corrida où les franquistes ont prouvé que la violence déchaînée pouvait trop facilement remplacer les taureaux par les hommes.

Francisco (Patrick Catalifo), lui, croit n'avoir pour s'en sortir que le métier de torero : il commence à se faire une petite notoriété dans les arènes du sud de la France, il lui faut maintenant conquérir l'Espagne. Pour Francisco, la certitude est dans sa foi de vaincre qui fait de lui un macho sans peur.

La rencontre de ces deux hommes que tout oppose va faire surgir en chacun d'eux les démons enfouis de la remise en cause de soi. Chacun sait confusément qu'il a besoin de l'autre pour se révéler à soi-même et vivre dans la vérité.

On ne peut pas réduire cette sorte de ballet amoureux entre Manuel et Francisco à une simple révélation du sentiment tabou d'un homme pour un homme. Ce pas de deux de l'attirance et de la répulsion inclut évidemment la dimension homosexuelle dont la prise de conscience, notamment par Manuel, participe de cette angoisse de n'être pas comme l'on voudrait être. Il y a assez d'indices pour comprendre que Manuel et Francisco ont au moins une fois une aventure sensuelle : rapide complicité de mains qui s'étreignent, découverte le lendemain d'un Francisco passablement ivre et hagard dont on devine qu'il a voulu noyer son expérience nocturne.

Très trouble aussi est la position d'Emilio (André Dussollier) en manager jaloux de l'influence de Manuel sur son protégé.

Le film évoque le lien presque toujours sublimé entre tout entraîneur sportif et son poulain favori. Tout se dénouera dans les arènes espagnoles de Sanlucar.

La réalisatrice démontre une incontestable maîtrise dans le réalisme des arènes sanglantes autant que dans la sensualité qui auréole le torero : scène où on le voit revêtir l'habit de lumière, images de sa nudité…

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