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Les médecins maudits de Christian Bernadac ou « Je ne veux plus voir de roses dans les camps ! »

Publié le par Jean-Yves Alt

Le prince roumain Georgiu R... portait sur son corps plusieurs centaines de tatouages. Plus qu'un tableau, une grande exposition érotique.

- Chaque scène a été croquée sur place, dans tous les ports du vieux et du nouveau monde, j'ai relevé moi-même les dessins.

La Kommandeuse n'eut jamais connaissance de cette collection unique, le prince roumain était interné à Dachau sur ordre d'Himmler. Homosexuel, ses liaisons amoureuses dans les milieux nationaux-socialistes provoquèrent la colère du Reichführer. Himmler […] avait voulu sauver les prostituées de leur déchéance, il s'attaqua, en même temps, aux déportés qui affichaient sur leur pyjama rayé le triangle rose de l'infamie. Il réunit les chefs de l'inspection des camps et leur déclara :

- Je ne veux plus voir de roses dans les camps.

Et il leur raconta l'aventure du prince roumain, dossiers médicaux à l'appui.

Himmler avait envoyé le prince à Dachau car il pensait que le dur labeur et les conditions pénibles de l'existence dans un camp de concentration, contribueraient à sa guérison rapide (1).

Le prince, personnage influent de Munich, ne pouvait tout de même pas être traité comme un vulgaire Juif. Le commandant se déplace en personne pour le recevoir :

- Vous allez bien aller à la douche ?

Le prince éclate en sanglots. Évidemment, il ne désire pas que des profanes feuillètent son album vivant.

Le médecin l'examine et rédige son rapport à Himmler.

- La place de cet homme qui avoue lui-même éprouver depuis son adolescence des désirs sexuels immodérés qu'il n'arrive pas à satisfaire n'est pas dans un camp de concentration mais dans une maison de santé.

En attendant la décision d'Himmler, il est attaché à son lit ; le lendemain il s'écroule lorsqu'on veut lui faire pousser un wagon. Il mourra deux jours plus tard d'ennui. : C'est un mal qui ne se guérit pas, Himmler prend les choses en main.

Himmler se penche longuement sur ce cas, dépêche à Dachau des médecins, des professeurs d'université, réclame rapports sur rapports. Et comme chaque spécialiste lui confie : C'est un mal qui ne se guérit pas, Himmler prend les choses en main.

- Le Reichsführer (2) organisa à Ravensbrück des stages de guérison. Un certain nombre d'homosexuels qui n'avaient pas donné de preuves définitives de leur renonciation au vice, furent appelés à travailler avec des filles et soumis à une observation très stricte. On avait donné aux filles l'ordre de se rapprocher, sans avoir l'air, de ces hommes et d'exercer sur eux leurs charmes sexuels. Ceux qui s'étaient vraiment améliorés (avant le stage, devant les brimades, les menaces) profitèrent de l'occasion sans se faire prier ; quant aux incurables ils ne gratifiaient pas les femmes d'un seul regard. Si celles-ci se montraient trop provocantes, ils s'en détournaient avec dégoût et horreur.

Le stage se terminait par une ultime épreuve : les guéris étaient laissés seuls en présence de malades. S'ils succombaient tout était à recommencer.

Himmler qualifia ces stages de demi-échec et chercha une solution plus radicale. Il la trouva en la personne d'un commandant SS danois, le docteur Vernaet qui avait inventé une méthode infaillible pour guérir l'homosexualité. Il demandait l'autorisation respectueuse d'expérimenter dans un camp ayant appris que cela se faisait. Himmler bondit sur l'occasion et lui ouvrit les barbelés de Buchenwald.

Le docteur Vernaet sélectionna quinze cobayes désespérément invertis. Ils demandèrent au docteur Horn, un détenu, de leur expliquer ce qui devait leur arriver...

- Ils étaient très effrayés, ils tremblaient comme des feuilles. Je leur dis qu'il s'agissait d'une hormone mâle qu'on allait leur implanter et que ce ne serait pas dangereux.

Le docteur Vernaet, comme Rascher, désirait monnayer sa préparation. Il proposa à Himmler :

- Nous pourrions vendre cette invention à l'étranger au marché noir pour obtenir des devises. Nous pourrions la promettre à des espions en récompense d'informations utiles (3).

Himmler haussa les épaules et lui conseilla d'expérimenter ses hormones avant de rêver éveillé.

La pile Vernaet devait être implantée dans l'aine ou sous la peau des patients. Sur les quinze opérés, deux moururent et aucun ne guérit...

(1) Rudolf Hoess : Le commandant d'Auschwitz parle, Éditions Julliard, 1959

(2) Rudolf Hoess : ouvrage cité

(3) Déclaration du docteur Poppendick, Nuremberg

■ in Les médecins maudits, Christian Bernadac, Éditions France-Empire, 1967, pages 129 à 132 (ou Éditions Pocket, 1977, ISBN : 2266004506, pages 97 à 99)

 

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