Lettres d'amour en Somalie de Frédéric Mitterrand
Peut-on fuir l'enfer de la souffrance et du chagrin quand l'être aimé vous a quitté ? Frédéric Mitterrand, auteur de ces lettres a cru qu'un voyage lointain lui apporterait la paix et l'oubli.
En choisissant la Somalie, parmi les pays les plus déshérités de la planète, il a cru se perdre, n'importe où, hors du monde. Lorsqu'il arrive dans ce pays meurtri, ravagé par la guerre, avec sa peine, sa douleur, ses lambeaux de souvenirs, il se sent pareil aux réfugiés, aux nomades somalis. Il a l'impression de marcher depuis aussi longtemps qu'eux.
« Amour, j'écris ton nom dans le sable de mes pas qui m'éloignent de toi encore plus, pas à pas, jusqu'à cet éternel retour dont je choisirai le jour et l'heure, engourdi de sommeil, dans la salle des pas perdus d'un aéroport désert où le sourire triste d'une petite sœur de Maria Schneider en transit à Mogadiccio me dira droit au cœur que je t'ai perdu pour toujours. »
C'est le livre des mots en larmes, qui crient le désamour. Ces mots font écho aux quarante-deux photographies noir et couleur de Diane Delahaye.
C'est le livre de la rupture amoureuse, de l'absence, du manque, de l'exil aussi. Il porte une blessure, la tristesse de la rupture, le regret du temps perdu qui structure chaque vie.
Cent vingt pages paysages au cœur de la Somalie désolée.
SOMALIE, mot valise, continent magique, terre balise au centre de laquelle se cristallisent la douleur de l'absence et la misère post-coloniale.
SOMALIE, lieu inabordable et contrées imaginaires, lent voyage de deuil longtemps sillonné du bout de l'index sur une mappemonde lumineuse.
« Parfois le désespoir est un sentiment calme. »
Ce journal de bord mezzo-voce de Frédéric Mitterrand transperce la tempête du sentiment, même si les lettres somaliennes ne parviennent plus à leur destinataire privilégié.
Il est trop tard dans la vie. Ce livre se fait messager particulier de ces amours finissantes. L'écran des larmes blanchi de mots fantômes se fait transbordeur vocal des fuseaux horaires. Minuit en plein soleil, le Navire Night somalien, même s'il n'a plus d'itinéraire, se tient toujours face à la nuit des temps.
Pendant quelques semaines, Frédéric Mitterrand va parcourir ce pays en long et en large. Regarder son histoire, les vestiges de la domination italienne, la trace de l'alliance avec les Soviétiques, le régime de Muhammad Ziyad Barre, la guerre avec l'Ethiopie.
«Umberto [de Savoie], qu'ont-ils fait de ta couronne ? Trente jours de règne : comme elle a dû te paraître amère cette fin de parcours après mille ans d'Histoire. Les porteurs de drapeaux ont disparu et sur les autoroutes du dimanche soir, personne ne songe plus à toi.»
De retour à Paris, une certitude : la Somalie était telle qu'il l'attendait et, s'il l'avait tant aimée, c'est que leurs épreuves étaient semblables.
Chaque jour jour, un peu moins d'enfance, encore plus de solitude, les parfums frais s'éventent en dépit de la vie qui, chaque jour, se réinvente à corps perdu…
■ Lettres d'amour en Somalie sur des photos de Diane Delehaye, Frédéric Mitterrand, Editions du Regard, 1982, ISBN : 2903370044
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