Le bon fils, un téléfilm d'Irène Jouannet (2001)
Luc, un adolescent remplace sa mère, prostituée, dans les tâches de la maison. Il s’occupe aussi de son demi-frère de 6 ans tendrement. Il a évacué toute la dimension sexuelle de sa propre vie. Pendant l'été, tous les trois partent sur la côte Atlantique chez la grand-mère maternelle qui n'a vu aucun d'eux depuis une dizaine d'années.
En se promenant Luc y fait la connaissance d'un jeune vagabond solitaire, Manuel, amateur de belles filles. Ce dernier veut l'initier aux plaisirs de la vie. Mais Luc n'est pas intéressé par les rencontres faciles que lui organise son ami auquel il a confié qu'il était encore vierge. Ce sera avec une vacancière bien plus âgée que lui, qu'il a vue au bord de l'océan, qu'il va connaître sa première expérience sexuelle. Un soir comme à l'habitude quand il retrouve Manuel sur la plage, ce dernier lui confiera son trouble à son égard.
Luc, à 17 ans, pourrait sembler le fils idéal pour de nombreux parents : il est sérieux, il ne sort jamais, il ne participe pas aux soirées festives de ses copains. Il s'occupe idéalement de la maison (cuisine, ménage, éducation de son frère…) Pourtant la révolte gronde dans sa tête et on s'attend à un moment ou à un autre qu'elle sorte de son enveloppe corporelle. Il est difficile de dire – tant l'adolescent est peu disert sur lui-même – si cette révolte à pour origine le métier de sa mère (elle est prostituée) ou si c'est plutôt les exigences temporelles de son métier (la mère est absente le soir et une partie de la nuit et dort la journée). Regrette-t-il de ne pouvoir vivre sa vie d'adolescent comme ses copains ? Souhaite-t-il pouvoir exprimer ses sentiments ? Difficile de répondre. Tout ce que l'on voit, c'est un adolescent devant une impasse.
La fiction a cela de bon qu'elle permet d'amener au moment voulu le personnage-clef qui va permettre à Luc de se révéler face à une société particulièrement conventionnelle. Ce sera Manuel un jeune bisexuel complètement assumé qui a choisi de vivre en marge du monde. Il symbolise, tant dans sa vie que dans sa sexualité, toutes les libertés dont Luc ne jouit pas. L'amour qu'il porte à Luc arrivera à libérer ce dernier de sa vie terne et pleine de révolte gardée.
Certains spectateurs ont regretté la faible dimension homosexuelle de ce film, ce qui pour moi est hors sujet. Ce film délicat et sensible m'a touché par son humanisme en cassant les clichés qui circulent encore sur, ce que la société bien pensante appelle, les marginaux. La réalisatrice a eu la bonne idée de ne pas enfermer son film dans la seule relation mère-fils. Elle aurait eu du mal à dénouer l'écheveau des sentiments.
Très belle idée que la confrontation de la mère avec la grand-mère, qui se doute des activités de sa fille, aidée involontairement en cela par le petit frère de Luc. Les retrouvailles après dix années sont bien vues, tout comme la réserve de chacun, la peur respective d'entendre ce que chacun a "fui", et tout en même temps cette part d'amour toujours là qui tente à plusieurs reprises de refaire surface, maladroitement certes mais pouvait-il en être autrement ?
Très belle idée aussi que l'arrivée de cette vacancière : on sait très peu de choses sur elle mais assez pour deviner des béances dans sa vie. Sa relation avec Luc est là encore bien vue et pleine de sensibilité : "disponible" affectivement cette femme se montre à l'écoute de Luc. La nuit qu'elle lui offre - oui, je la vois comme un cadeau - si elle n'est heureusement pas totalement désintéressée est l'aide qu'elle sent devoir lui apporter à ce moment là.
Magnifique idée que cette rencontre avec Manuel. Relation sans aucune perversité. Manuel est libre et souhaite seulement que son ami en profite autant que lui.
Un très beau film sur la complexité des relations et le partage de tout ce qui fait l'humain.