Bragarts et braguettes par Jean-Claude Bologne
« Ces braguettes ont été pendant un siècle le point de mire du vêtement masculin. L'époque qui a appris à voiler le sexe de la femme a, en compensation, mis en valeur celui de l'homme.
A partir de Charles VIII (1498-1518) et des guerres d'Italie, la simple pièce de toile qui fermait par devant le haut-des-chausses commença à prendre des proportions effrayantes. Sans parler de celle de Gargantua, qui se mesurerait en mètres, mais qui, garantit Rabelais, est remplie à proportion, les braguettes deviennent de vastes poches qui prennent l'« apparence d'un arc-boutant » et que l'on orne de perles ou de bijoux « afin d'y mieux attirer les regards ».
Montaigne, qui nous fait cette description, s'en prend à plusieurs reprises à « ce vain modèle et inutile d'un membre que nous ne pouvons seulement nommer honnêtement, duquel toutefois nous faisons montre et parade en public ». « A quoi faire la montre que nous faisons à cette heure de nos pièces en forme, sous nos gregues, et souvent, qui pis est, outre leur grandeur naturelle, par fausseté et imposture ? »
Par fausseté et imposture : très vite, les hommes les moins bien fournis comprirent l'utilité d'un étui rigide. Dans certaines braguettes il n'y a que du vent, suggère Rabelais, tandis que Tabourot [Etienne] raille un de ces « bragards » qui furent au XVIe ce que les muscadins furent au Directoire : C'est canelle, dis-je, qu'on voit. Le meilleur de luy, c'est l'escorce. [Les Touches] »
Jean-Claude Bologne
■ in Histoire de la pudeur, Editions Hachette Littérature, Collection Pluriel, 1997, ISBN : 2012788807
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