Minuit dans le jardin du bien et du mal, un film de Clint Eastwood (1997)
Savannah : une petite ville entourée de marécages où évolue une population stratifiée en classes et dont pourtant les différents milieux communiquent par des voies secrètes.
Il en va ainsi pour le plus grand notable de la ville, un antiquaire et collectionneur d'art, qui, pour d'obscures raisons, invite un jeune écrivain à partager un temps sa compagnie.
Peu à peu, le jeune homme devine l'homosexualité honteuse de son hôte, qui cache (pour ne pas faire de peine à sa maman) une relation agitée avec une petite frappe. Mais le jeune voyou a des exigences et demande toujours plus d'argent. On le retrouve mort dans la demeure de son amant. Celui-ci plaide la légitime défense, soutenu par un puissant avocat. L'écrivain se retrouve dans la position inconfortable de témoin qui en sait trop. Il est intimement convaincu qu'il ne s'agit pas de légitime défense mais de meurtre. Doit-il intervenir au nom de la justice ou va-t-il plus confortablement choisir de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas ?
"Minuit dans le jardin du bien et du mal" est un film des plus étranges. Il aurait pu être un film à thèse s'articulant autour du cas de conscience de l'écrivain. Pas du tout, il n'est en rien un réquisitoire contre une justice à deux vitesses. Le riche pédé qui a tué son amant prolo est filmé comme l'innocence même, une sorte de grand gosse qui a simplement fait une bêtise. Autour de lui, tous les habitants de la ville sont plus dérangés les uns que les autres : le jury, par exemple, est composé d'abrutis, dont un cinglé qui fomente d'empoisonner la ville entière.
Mais le plus étonnant c'est que ce film paraît, à plusieurs reprises, abandonner son sujet. Sur sa route, le jeune écrivain croise une drag-queen noire, Lady Chablis, star du sud de la Floride, ici dans son propre rôle. Elle prend l'ascendant sur le récit d'une façon stupéfiante comme si Clint Eastwood avait été fasciné par elle et lui avait écrit des scènes sur mesure, semblant oublier jusqu'à l'histoire qu'il avait commencé à raconter.
"Minuit dans le jardin du bien et du mal" est un très beau film, non pas sur le milieu gay mais avec le milieu gay.