L'angoisse du transsexuel juste avant l'opération par Jean Genet
« Quand décide le jeune garçon, après de longs jours d'inquiétude et de perplexité, de changer de sexe, selon le mot assez horrible de transsexuel, alors que sa décision est prise une joie l'envahit à l'idée du sexe nouveau, des deux seins qu'il caressera réellement de ses mains trop petites et trop moites, l'épilation, mais surtout à mesure que le sexe ancien se fanera, espérant qu'il tombât, définitivement inutilisable, une joie proche peut-être de la démence quand, parlant de soi, il ne dira plus « il » mais « elle », comprenant alors que la grammaire aussi se partage en deux et que, tournant sur elle-même, une moitié s'applique à lui, la féminine, alors qu'on imposait l'autre du langage. Le passage de l'une à la moitié non velue doit être délicieux et terrible. "Ta joie m'inonde..." "Adieu chère moitié, je meurs à moi-même...". »
Jean Genet
■ in Un captif amoureux, éditions Gallimard/Folio, 1995, ISBN : 2070392988