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A propos de discrimination par Alexander Ziegler (1975)

Publié le par Jean-Yves Alt

Quand le Docteur honoris causa Franz Josef Strauss de Bavière dit qu'il préfère l'uniforme à la jaquette*, c'est pour les homosexuels un compliment.

Et tous ceux qui ont vu ou entendu Helmut Kohl, ne serait-ce qu'à la télévision, peuvent comprendre que le ministre-président du Palatinat rhénan ait fait mettre à l'index les revues homosexuelles de son Land. En règle générale, les lois de la physiognomonie sont fiables.

La haine des pédés, je l'ai toujours constaté, est entre autres choses le symptôme d'une conception du monde qui ne peut pas se passer de classifications. Et classer, ce n'est rien d'autre que simplifier, établir des frontières clairement tracées entre le bien et le mal, en fonction de critères raciaux, religieux, sexuels, politiques qui, s'ils savent être divers pour définir le prédicat du « mal », rapportent le plus souvent le « bien » à soi sans beaucoup de compromis. On différencie ainsi :

Homo- et hétérosexuels (ou les pédés et les gens normaux)

Noirs et blancs

Juifs et chrétiens

Arabes et Israéliens

Hommes de gauche et de droite

etc.

Il y a ensuite un type particulier de discrimination, celle qui est pratiquée par les discriminés eux-mêmes. Bon nombre d'expressions désignant l'homosexuel par l'injure ou le sarcasme n'émanent aucunement des hétérosexuels. Ils sont partie intégrante du vocabulaire d'intéressés tellement peu sûrs d'eux-mêmes que face à la critique de société, ils remettent en question leur propre raison d'être et se posent eux-mêmes en objets de dérision, avec le sourire du clown à l'arrière-plan.

Le silence aussi peut-être discriminant. Prenons le cas d'un homosexuel, au café, assis au milieu d'une bande de copains. La discussion tombe par hasard sur les pédés. S'il se joint au chœur du mépris, il devient traître à sa propre minorité. Traître par manque de courage, parce qu'il estimera ne pas pouvoir se permettre d'être complètement lui-même. Mais comment pourrait-il prétendre être accepté par les autres s'il ne s'accepte pas d'abord lui-même ? J'ai toujours pensé que le silence des homosexuels, le sceau du secret derrière lequel certains homosexuels tentent de dissimuler leurs goûts, est infiniment plus nocif que les discriminations ouvertes d'un Franz Strauss ou d'un Helmut Kohl dont on ne peut de toute façon rien attendre d'autre. C'est toujours en premier lieu à l'homosexuel qu'incombe la tâche d'obtenir une reconnaissance du monde extérieur et l'égalité des droits.

Alexander Ziegler (1975)

* En allemand : « Lieber ein Kalter Krieger als ein warr Bruder » ... Intraduisible ! – NdT.

in La conséquence, Alexander Ziegler, éditions Entre Chiens et Loups, Chapitre 7, 1986, ISBN : 2906540005, pp. 181/183

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