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Blue, un film de Derek Jarman (1993)

Publié le par Jean Yves Alt

Les yeux du spectateur s’abîment dans un unique plan bleu de 78 minutes, tandis que les oreilles sont captives grâce à la voix principale du comédien John Quentin qui livre le témoignage du réalisateur.

Grâce à sa forme et à son mode narratif, voilà un film qui arrive à évoquer le ralentissement psychomoteur, à exprimer la lenteur, à une époque où les clips envahissaient déjà les écrans.

Derek Jarman a tenté de faire ressentir aux spectateurs de ce film, les effets du sida qu'il vivait au quotidien.

Le réalisateur y traite notamment des troubles de la vue, souvent dus au CytoMégaloVirus : ces symptômes apparaissent rarement dans les films qui traitent du sida. Blue en est le parfait contre-exemple. En contraignant le spectateur à ne voir que du bleu, Derek Jarman leur permet de se mettre dans sa situation où ses propres perceptions sont brouillées.

BLUE DEREK JARMAN

Comment mettre en image la perte de la perception visuelle ? Comment se représenter ce qui se passe à l'intérieur de cet œil ? Derek Jarman évoque tout cela dans la première séquence de son film où se mêle image fixe bleue, musique et narration :

« Une lune verte et le monde tourne au magenta. Ma rétine est une lointaine étoile, planète Mars écarlate surgie de quelques BD. L'infection fait des bulles jaunes, je dis : On dirait une planète.

Le médecin dit :

― Moi, je trouve qu'on dirait une pizza. »

La perte du sens visuel altère la relation à l'autre, à la société toute entière.

Derek Jarman évoque aussi le traitement anti-CMV qu'il reçoit :

« La perfusion de ganciclovir pousse des cris de canari... Deux fois par jour, je me rends à l'hôpital pour ma perfusion de ganciclovir dont voici les effets secondaires : faible taux de globules blancs, risque d'infection accru, fièvre, éruption cutanée, frissons, œdème... ce produit risque d'entraîner une stérilité chez l'homme, un éventuel risque cancérigène... si un de ces effets secondaires vous concerne ou si vous voulez des renseignements supplémentaires, veuillez consulter votre médecin. Il faut signer un formulaire... je ne vois vraiment pas ce que je peux faire, je vais signer. »

Et un peu plus tard au sujet du traitement per os :

« Le plus difficile ce sont les pilules, certaines sont amères, d'autres sont trop grosses, un vrai laboratoire chimique ambulant, elles remontent à moitié dissoutes à travers la toux et les crachats... »

La tendresse n'est pas absente de ce film ; elle est mise en avant lorsque le personnage demande :

« Embrasse-moi encore et encore... »

Un beau film comme un poème lyrique exprimant une plainte douloureuse, des sentiments mélancoliques :

« La couleur bleue représente l'amour universel dans lequel baigne l'humanité – c'est le paradis terrestre. »


Du même réalisateur : SebastianeEdward IICaravaggio

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