Cauchemar au collège, Karine Reysset
Ce petit roman se déroule au collège. Lucien dit Lulu en est le personnage principal et le narrateur.
Lucien est un garçon autonome et réservé qui ne veut surtout pas causer de soucis à sa mère (elle est divorcée et a aussi une fille plus jeune handicapée), quitte à lui mentir. Lucien ne rentre pas dans le moule type du garçon. Il n'affectionne ni les sports collectifs ni les jeux vidéo : il préfère faire du vélo et lire. Il a hérité des goûts musicaux de ses parents : la musique folk et la vieille chanson française. Il joue du piano et compose des chansons en général tristes. Il écrit aussi des poèmes. Il reste discret sur ses activités.
Parce qu'il souhaitait étudier le chinois, Lucien se retrouve dans un nouveau collège. Il perd ainsi au quotidien tous ses anciens amis, notamment Simon avec qui il fait de la musique ainsi que Julie et Margot, ses deux meilleures copines.
Dans la classe de Lucien, il y a deux autres nouveaux élèves : un couple de jumeaux, Amandine et Gaël. Les deux adolescents font forte impression auprès de leurs camarades de classe.
Les jumeaux invitent l'ensemble des élèves de la classe à une fête, chez eux. La mère de Lucien est réjouie car elle trouve son fils beaucoup trop effacé.
Lors de la soirée, Amandine invite Lucien pour un slow. Le garçon ne se sent pas à l'aise et abandonne rapidement la danse. Amandine l'interroge alors :
« — Tu as une petite amie ? C'est pour ça que tu ne veux pas de moi ?
J'ai secoué la tête rageusement. Elle commençait à m'agacer.
— Alors, c'est que je ne te plais pas ? Je ne suis pas belle ? […]
— Si, évidemment... ai-je bredouillé. […]
— Tu préfères mon frère, alors ? […]
— Ma parole, tu rougis ! » (p. 15)
En rentrant chez lui, Lucien est très perturbé. La phrase d'Amandine « Tu préfères mon frère ? » sous-entendu « Tu préfères les garçons ? » lui trotte dans la tête. Qu'est-ce que tout cela révèle sur lui et sur les autres ?
Jusque-là, Lucien ne se préoccupait pas des histoires sentimentales. Il n'était jamais sorti avec une fille. Cela ne l'avait jamais intéressé.
Alors qu'il consulte ses messages sur un réseau social où il est inscrit, Lucien découvre qu'il a plein de nouveaux « amis » et que ces derniers lui ont tous laissé un curieux message : une ligne de points d'interrogation.
Le lendemain, le curieux message est complété par la question : « C'est vrai que t'es gay ? » (p. 19)
Et pire que tout, il y a aussi une déclaration de Simon : « Si j'avais su que t'avais des vues sur moi, on n'aurait jamais fait de la musique ensemble ! Mais j'aurais dû m'en douter, avec tes copines homo » (p. 20)
Lucien découvre alors ce que le harcèlement scolaire signifie et la souffrance qui en découle : dans cette histoire les tortionnaires sont particulièrement coriaces et retors.
Lucien décide alors de fermer son compte sur le réseau social. Du coup, il s'isole aussi de ses vrais amis.
Le harcèlement ne s'arrête pas pour autant. Au collège la vie devient un cauchemar. Lucien passe par l'incompréhension très vite relayée par l'appréhension, la peur et l'anxiété généralisée. Il n'ose pas parler de ses difficultés à sa mère. Karine Reysset réussit bien à transcrire les différentes phases émotionnelles vécues par Lucien.
Grâce à Julie, Margot et Simon qui devient progressivement le second bouc émissaire, le charisme des tortionnaires va être démasqué : peu à peu les langues se délient, les voiles se déchirent et l'authenticité de chacun transparaît, les comportements se font vrais et sincères. Sous l'apparence angélique se cache parfois un terrible machiavélisme.
L'histoire se termine donc au mieux : Lucien reprend ses activités littéraires et musicales. Il se surprend à regarder davantage les filles… et aussi les garçons. Il n'en saisit encore pas le sens. Il accepte juste de se poser ce type de questions. Amandine a réussi à semer le doute dans son esprit. Pour avancer dans sa réflexion, il se décide à interroger Julie et Margot : elles lui confirment qu'elles sont bien ensemble et qu'amour et amitié peuvent être tellement proches.
Ce petit roman montre que le harcèlement scolaire peut prendre une dimension diabolique avec l'utilisation des téléphones portables et des réseaux sociaux : des outils qui risquent de se transformer en un véritable arsenal pour détruire quelqu'un.
■ Cauchemar au collège, Karine Reysset, Bayard/Je Bouquine n°345, novembre 2012, pp. 7 à 44
Lire aussi la chronique de Lionel Labosse sur son site altersexualite.com