Description de l'amour par Platon
La figure de l'androgyne, comme mythe et fantasme d'une totalité reconstituée, n'est pas une invention de Platon, même s'il en donne l'une des plus poétiques interprétations qui soient :
« Quand donc l'amoureux des garçons ou tout autre homme rencontre l'être qui est précisément la moitié de lui-même, une émotion extraordinaire le saisit, effet de l'amitié, de l'affinité, de l'amour, et ils refusent d'être, si l'on peut dire, détachés l'un de l'autre, ne fût-ce qu'un moment. […] Et si, tandis qu'ils sont couchés ensemble, Héphaïstos se dressait devant eux avec ses outils et leur demandait : "Hommes, que voulez-vous l'un de l'autre ?" ; et si, les voyant embarrassés, il demandait encore : "Votre désir n'est-il pas de vous identifier l'un à l'autre autant qu'il est possible, de manière à ne vous quitter ni la nuit ni le jour ? Si tel est votre désir, je veux bien vous fondre ensemble et vous souder l'un à l'autre au souffle de ma forge, en sorte que de deux vous ne fassiez qu'un seul et que toute votre vie, vous viviez tous deux comme si vous n'étiez qu'un, et qu'après votre mort, là-bas, chez Hadès, vous ne soyez pas deux, mais un seul, dans une mort commune. […]" À ces paroles, aucun d'eux, nous le savons, ne dirait non, et ne montrerait qu'il veut autre chose. Il penserait tout simplement qu'il vient d'entendre exprimer ce que depuis longtemps sans doute il désirait : se réunir et se fondre avec l'être aimé, au lieu de deux n'être qu'un seul. »
Platon
in « Phédon, Le Banquet, Phèdre », éditions Gallimard/Tel, 1991, ISBN : 2070724654