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Drôle de sauna, George Baxt

Publié le par Jean-Yves Alt

Le titre français de ce roman est, tout à la fois, accrocheur et sot ; il n'est jamais question de « sauna » dans cette histoire ; même s'il est possible de déceler une atmosphère embuée entre les personnages ; à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de la salle de bain où est découverte la victime. Le titre américain « A queer Kind of Death » (Une mort curieuse) est bien plus explicite.

La victime, Benjamin Bergheim alias Benny Bentley, 26 ans, est décédée par électrocution dans sa baignoire où est tombé son poste de radio.

L'enquête est menée par un inspecteur, nommé Pharoah Love. Il essaie de reconstituer la vie de Ben. Il se prend d'une sympathie particulière pour Seth Piro (36 ans), un suspect, qui essaie désespérément de trouver son identité. Seth Piro est écrivain. Il n'a rien publié depuis longtemps. Il consulte régulièrement un psychanalyste d'origine allemande, le docteur Walter Schlacher. Il a été le petit ami de la victime et a décidé d'écrire un livre sur Benny pour évacuer son sentiment de culpabilité d'après le psychanalyste.

« Seth sentit qu'il y avait quelque chose d'enjôleur dans la voix de Pharoah dont le visage commençait à s'humaniser. Les yeux du détective n'étaient plus uniquement deux globes inquisiteurs : ils semblaient quêter la sympathie et peut-être même l'amitié. "Il ne doit pas être beaucoup plus vieux que moi", pensa Seth. » (p. 29)

« Ce doit être parce que vous m'avez ému tout à l'heure à l'enterrement. Et ce n'est pas souvent que ça m'arrive d'être ému comme ça. Où est-ce que je vous dépose ? Moi, je vais à mon bureau. » (p. 32)

Pharoah Love aidera-t-il Seth Piro à sortir de ses tourments, ou va-t-il le replonger dans l'enfer ?

C'est la femme de ménage qui a trouvé le corps de la victime en prenant son service. L'appartement n'a pas été retourné sens dessus dessous. Très rapidement, Pharoah Love devine que l'assassinat n'a pas été prémédité ; dans ce cas, l'assassin se serait servi d'un poignard ou d'un revolver, ou aurait tenu la tête de la victime sous l'eau. L'inspecteur pense que la victime attendait un visiteur avant l'arrivée de la femme de ménage. Ou quelqu'un est venu chez lui, sans l'avertir. Pharoah Love a idée que ce quelqu'un devait écumer de fureur…

L'inspecteur découvre que Benny était fiché à la police pour racolage, qu'il dealait du peyotl (un hallucinogène), qu'il devait partir pour le Mexique le jour de sa mort, qu'il avait été l'amant de Jameson Hurst, Seth Piro, Veronica Piro… Quand enfin il apprend que Benny était aussi un maître-chanteur, il pressent que certains documents ont pu disparaître de l'appartement de la victime…

D'autres personnages qui étaient en relation avec la victime :

Ada Bergheim : Sœur de Ben. Relation tendue avec son frère. Lui a demandé de l'aide au moment de son avortement. En échange Ben a exigé le vol de morphine à l'hôpital. Refus d'Ada.

Jameson Hurst : La bonne soixantaine mais paraît vingt ans de moins. Mère morte quand il avait 5 ans (serait tombée d'une fenêtre). Esthète. Très mince. « Une richissime vieille tante », « Un rêve en technicolor » : a subi plusieurs opérations esthétiques, prend des hormones, du Peyotl (légal seulement sur prescription médicale). N'a pas assisté aux obsèques de Ben. A prêté de l'argent à la victime. A souvent des crises de nerf et d'épilepsie.

Ella Hurst : Sœur de Jameson. Adipeuse. Se cache toujours derrière un voile pour cacher les séquelles d'un accident de voiture. Ne sort que très rarement de chez elle. A assisté aux obsèques de Ben. Ne répond jamais au téléphone. Pour la rencontrer, lui envoyer un télégramme. Apprécie Seth Piro.

Adam Littlestorm : Jeune masseur de Jameson Hurst et son dernier amant. Origine indienne (Cheyenne).

Veronica Piro : Épouse de Seth Piro qu'elle trouvait doux et malléable comme de la pâte à modeler, jusqu'au jour où il s'est allongé sur le divan du psychanalyste. A horreur de se sentir dominée. Ne veut pas d'un homme qui la tienne mais un homme qu'elle puisse manœuvrer. Agent littéraire dans la maison d'édition de Seth. Maîtresse temporaire de la victime.

Ida Mazuzzi : Tient une boîte de nuit. Femme forte (150 kg). Craint toujours de perdre sa licence d'exploitation. Clients : Jameson Hurst, Seth Piro…

Moïse Gabriel alias Ward : Fils de l'employée de la mère de la victime. Transmetteur de peyotl aux clients par l'intermédiaire de Benny. Travail pour Ida dans son établissement.

L'inspecteur – un noir fort séduisant – Pharoah Love (quel nom !) n'a rien d'une brute : il est délicat et n'hésite pas à prodiguer des caresses avec ses mains. Il ne se déplace qu'avec sa Jaguar rouge.

« — (Pharoah Love) Vous savez, coco, quand on fait le métier que je fais, c'est difficile de l'oublier, même avec les gens qu'on aime bien. Et, au cas où vous ne le sauriez pas, je vous le dis : je vous aime beaucoup.

— (Seth Piro) Bien que je sois suspect ?

— (Pharoah Love) L'un n'empêche pas l'autre. Allez, passez chez Ida tout à l'heure. Le samedi soir, c'est le moment de la semaine où on se sent le plus seul. » (p. 160)

À la fin du roman, s'esquisse l'idylle entre Pharoah et Seth le suspect n°1 (Pharoah nomme « coco » toutes les personnes qu'il apprécie) :

« — Vous avez vraiment étudié mon caractère à fond, hein ?

— C'est exact.

— Et c'est pour ça que vous continuez à me filer ?

— Je vous ai déjà expliqué tout ça.

— Je sais ; j'ai même réussi à ne pas rire en vous écoutant.

— Que voulez-vous dire, coco ?

— Vous vous intéressez beaucoup à moi, dit Seth, très sûr de lui. Et pas seulement en tant que personne. Qu'est-ce que vous avez en tête, Pharoah ?

— Vous croyez ça, hein ?

— Je le crois.

— Ma foi, dit Pharoah, le regard rivé sur l'arrière de la voiture qui les précédait, ces temps-ci, j'ai pensé à m'installer dans un appartement plus grand, peut-être avec quelqu'un pour me tenir compagnie.

— Et vous me faites maintenant l'honneur...?

— Doucement, coco ! J'ai pensé à vous comme à un candidat possible. Mais rien ne presse. Prenez le temps de réfléchir. Je me sens très seul, c'est tout. Je crois qu'on pourrait se rendre mutuellement service. J'ai besoin d'un ami et vous avez besoin d'un tas de choses que je peux vous donner.

— Vous avez l'air d'oublier que je commence tout juste à me remettre de la disparition d'un déplorable colocataire.

— Je sais, coco. Mais ce qu'il y avait entre vous et lui était tout différent. Moi, j'envisage quelque chose de beaucoup mieux. Enfin, pensez-y. L'emmerdeuse [Veronica] en ferait certainement une jaunisse. » (p. 202)

Tout au long de la lecture, l'intérêt ne faiblit pas ; la surprise est enfin remarquable quand on découvre le mot de l'énigme.

Un polar qui unit le policier et l'assassin, ce n'est pas habituel.

■ Drôle de sauna, George Baxt, Éditions Gallimard, Série Noire, 1967, 250 pages, ISBN : 2070481522

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