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Groupes à risques, un film documentaire d'Andreï Nikichine (1987)

Publié le par Jean-Yves Alt

Ce documentaire soviétique abordant ouvertement l'homosexualité a été réalisé avec l'accord des autorités des organismes d'Etat qui finançaient le projet. Le film a été distribué dans les salles de cinéma de Moscou et de quelques grandes villes.

En France, il a été projeté au Festival international du film d'Amiens en 1988.

Groupes à risques débute par l'interview d'un scientifique, qui tient un discours pas très éloigné de celui tenu en Occident (de l'époque). Même s'il prétend qu'en URSS, « il y a moins de raisons objectives qui favorisent l'extension de l'épidémie », du moins admet-il que le mal existe aussi en Union Soviétique et qu'il progressera, « c'est inévitable ». S'il prévoit en Amérique « le point culminant de l'épidémie et la panique en 1991 », il ne cache pas que cette même panique est possible en URSS quelques années plus tard.

Aussi faut-il tout faire pour se prémunir, et d'abord ne plus avoir peur des mots. « La lutte est une entreprise de longue haleine, les générations futures devront vivre avec le sida », et cela devra passer par une meilleure connaissance des populations qui courent le plus de risques.

Le film entre ensuite dans le vif de son propos, par l'intermédiaire d'un couloir de métro filmé au ralenti. De la masse anonyme qui peut être un jour frappée, à la marginalité à risques, il y a d'abord les prostituées (le film n'évoque pas la prostitution masculine éventuelle) : celles qui refusent qu'on les filme, cette adolescente, qui à treize ans, a quitté l'école et se prostitue, « ça fait un peu de peine à ma mère ». On apprend que les prostituées sont envoyées à l'hôpital des maladies vénériennes, parce que c'est le seul lieu où l'on peut passer le test.

Le passage au chapitre de l'homosexualité est ponctué par un retour à la foule du métro. Puis l'on enchaîne sur un travesti homo délirant et plutôt courageux ; il traverse la ville en faisant la folle. Tout un groupe de curieux est à ses trousses, certains sont amusés ou compatissants, d'autres franchement hostiles : « Je suis un être humain qui joue des rôles différents », explique Nosla.

Le cinéaste, un peu à la manière de Pasolini jouant les interviewers dans Comizi d'Amore, interroge les gens. Puis on change de scène, et on alterne entre deux homosexuels dans un café et deux homosexuels dans un parc. Les visages demeurent dans l'obscurité. « J'ai l'air d'un homme pas très correct ? dit l'un. Je suis comme tout le monde. » Ou bien : « D'ailleurs, les homosexuels ont souvent un niveau intellectuel supérieur aux autres », ou : « J'aimerais avoir un partenaire attitré », ou encore pour les lieux de rencontre : « Dans n'importe quelles toilettes publiques ». Et puis l'on voit des garçons qui attendent contre des murs couleur brique, et qui tournent, se retournent… Les jeunes pédés semblent informés des risques de sida : « Le nombre de contacts est un facteur déterminant, explique l'un, et j'ai peur, comme tout le monde, surtout des étrangers. » Mais quelqu'un de la foule qui suit Nosla exprime l'état de l'opinion générale : « Il représente le sida. »

Les drogués enfin, scène introduite par des rockers soviétiques bardés de cuir, ados diaboliques aux longs cheveux d'anges.

Le réalisateur, Andreï Nikichine ne tient à aucun moment un discours moralisant et semble avoir pour ses personnages une réelle tendresse. D'ailleurs, le sida est bien peu évoqué tout au long de ce film : comme s'il n'était qu'un prétexte scientifique, qui permettrait de présenter les groupes marginaux plus dans leurs modes de vie que comme groupes à risques.

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