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Le Banquet de Platon par André-Claude Desmon

Publié le par Jean-Yves Alt

Avec l'amour créateur, sommes-nous arrivés à la dernière étape de cette progression qui depuis Phèdre et Pausanias, en passant par Aristophane, avait pour but de nous faire pénétrer de plus en plus profondément dans les mystères de l'Amour ? Non, il existe en effet un quatrième degré où l'amour se voit conférer un rôle mystique et religieux. Cette quatrième étape ne concerne pas directement notre propos puisqu'elle vise beaucoup moins à régler notre vie terrestre qu'à nous aider à échapper à notre condition de mortel. Cependant, il est impossible de parler du Banquet sans y faire allusion. Nous allons donc, en guise de conclusion la résumer dans ses grandes lignes. A défaut de pouvoir situer cette conception mystique de l'amour dans l'ensemble du platonisme, il importe surtout d'y remarquer comment, même au niveau le plus élevé de sa spéculation, Platon refuse de faire une coupure entre l'amour le plus sensuel et l'amour le plus spirituel. Entre ces deux extrêmes, il y a une progression continue.

La première étape de l'initiation consiste à aller, dès la jeunesse, à la beauté physique et autant que possible à n'aimer qu'un unique et beau corps. Mais « la beauté résidant dans tel ou tel corps est sœur de la beauté qui réside en un autre » (210 b). Ce qui signifie que le beau sensible est universel, qu'il faut l'aimer partout où il se présente et pas seulement dans un seul corps. Puis dans une seconde étape, on découvre la beauté des belles âmes qui est supérieure à celle des beaux corps. Si bien qu'on accepte d'aimer un être dont l'âme est belle, même si son corps a peu d'éclat. Dans une troisième étape, il s'agit d'embrasser le domaine des connaissances afin d'atteindre la véritable universalité et afin que « tourné vers cet océan immense du beau et le contemplant, il enfante en grand nombre de beaux, de sublimes discours, ainsi que des pensées inspirées par un amour sans bornes pour la sagesse » (210 d). Alors la quatrième et dernière étape est toute proche, qui est la contemplation du Beau Éternel et Parfait. Ce dernier terme de la progression est en réalité le seul vers lequel nous tendions dès le début. Tout le reste n'était que préparation, apprentissage, qui n'avait de valeur qu'autant qu'il nous rapprochait du but.

« Voilà quelle est la droite méthode pour accéder de soi-même aux choses de l'amour : c'est, prenant son point de départ dans les beautés d'ici-bas, avec, pour but, cette beauté surnaturelle, de s'élever sans arrêt comme au moyen d'échelons : partant d'un seul beau corps de s'élever à deux et partant de deux de s'élever à la beauté des corps universellement puis, partant des beaux corps, de s'élever aux belles occupations ; et partant des belles occupations de s'élever aux belles sciences jusqu'à ce que partant des belles sciences, on parvienne, pour finir à cette science sublime qui n'est science de rien d'autre que de ce beau surnaturel tout seul, et qu'ainsi à la fin, on connaisse l'essence même du Beau. » (211 c).

Cette contemplation du Beau peut être désignée comme la fin suprême de l'homme puisque par elle il peut accéder à l'immortalité. Dès lors, devant la perspective infinie qui nous est offerte, il ne nous reste plus qu'à faire nôtre la conclusion de Socrate :

« La conviction qu'elle m'a donnée (Diotime) me fait envisager de convaincre aussi les autres que, pour aider l'humaine nature à acquérir ce Bien, on trouverait difficilement un meilleur auxiliaire qu'Amour. Aussi, mon opinion est-elle, je le déclare, que c'est pour tout homme une obligation de vénérer Amour, et pour moi, personnellement les choses d'amour sont un objet de vénération, une matière toute spéciale d'exercice que je recommande aussi à autrui. » (212 b).

Arcadie n°63, André-Claude Desmon (pseudo d'André Lafond), mars 1959


Lire l'article complet (publié dans Arcadie n°62 et 63) qui conduit à la conclusion exposée ci-dessus.

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