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Le bon soldat, Ford Madox Ford

Publié le par Jean-Yves Alt

« Le Bon Soldat » parut en 1915. Ce roman anglais est une satire sociale et un drame de la passion. Le récit de Ford Madox Ford témoigne de l'éternelle quête du bonheur.

Dowell, le narrateur énigmatique du Bon Soldat, relate ses souvenirs. Le récit démarre en douceur autour de deux couples dans leur maturité, les Ashburnham, Anglais catholiques, et les Dowell, Américains nostalgiques de la tradition. Riches, titrés, beaux, oisifs, ils se croisent et ne se quittent plus.

Lentement, tout se dégrade : fissures, puis abîmes qui séparent les couples et les enferment dans l'hypocrisie et le mensonge. Florence Dowell, de belle victime malade du cœur, se transforme en simulatrice tombeuse de messieurs, avide de gloire sociale ; Leonore Ashburnham, de parfaite épouse, devient génie capable de tramer des complots pervers. Elle épie un mari, don juan malgré lui, Edouard. Les liens se dégradent, surgissent les violences et la haine. Mais ils se regardent, collés et fascinés, acteurs privilégiés d'un ballet bien réglé. La vie mondaine distille ses poisons sous l'apparence huilée d'un exquis cérémonial.

La précision dans la narration, sous sa fluidité, est le premier atout de ce roman original. Dowell, témoin et mémorialiste, dévide le fil d'un récit-labyrinthe, sorte d'enquête immobile. Les pièces du puzzle se mettent en place à l'issue d'un suspense sans cesse réanimé, jusqu'au drame. Ce roman atteint le sommet d'un art de la demi-teinte grâce à l'écriture qui adhère à l'atmosphère, un style drôle, désabusé, caustique, une musique stridente sous sa couleur veloutée, expression d'un univers rigoriste et excessif, la high society du début du XXe siècle.

Dans le silence des châteaux et des palaces, des êtres affolés par la chair, jouent, à quitte ou double, l'espoir et les valeurs morales occidentales – la Première Guerre mondiale se profile à l'horizon des consciences. Pitoyables et superbes, ils déambulent, tels des héros de tragédie, écartelés entre la pulsion des instincts et le code des bienséances, ployant sous la tyrannie sociale et religieuse.

Dowell, le voyeur candide, rescapé d'un ouragan de passion et de mort, décortique les rouages du drame passé et découvre, les noirceurs secrètes des protagonistes. Il le fait avec lucidité, mais aussi avec l'humilité des tendres qui s'avouent ressembler aux assassins, mais sans l'audace du réel.

« Le bon soldat », c'est Edouard, si proche du narrateur, un homme sensuel et sentimental, investi jusqu'au suicide de son rôle d'amoureux responsable. Clown empli d'humanité, dominant une fiction où rivalisent les premiers rôles, il est merveilleusement british, à cheval sur la tentation de l'amour fou et le respect des traditions.

■ Le bon soldat, Ford Madox Ford, Éditions 10/18, 1994, ISBN : 226400083X

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