Le portrait de Battylos par Anacréon de Téos
Peins-moi, selon mes mots, Battylos, mon ami.
Fais-lui de beaux cheveux brillants, noirs à leur source
Mais couleur de soleil à leurs extrémités,
Laisse choir librement leurs boucles négligées,
Que ses sourcils, plus sombres que les dragons bleus,
Couronnent son front pur, frais comme la rosée,
Que ses fiers yeux noirs soient plus doux qu'une mer calme
Pour qu'il tienne à la fois d'Arès et d'Aphrodite,
L'un donnant de la crainte et l'autre de l'espoir,
Répands sur l'incarnat pudique de ses joues
De rose, si tu peux, le duvet de la pêche
Sa bouche, je ne sais comment tu peux la rendre,
Il faut qu'elle séduise et qu'elle persuade,
Que ta peinture y parle en son silence même
Fais-lui le front bien large et que son cou d'ivoire
Se dresse, mieux sculpté que celui d'Adonis,
Donne-lui la poitrine et les mains d'Hermès même,
Les cuisses de Pollux, le ventre de Bakkos,
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Oui, mais ton art, jaloux du plaisir des humains,
Ne te permettra pas de laisser voir son dos
Dont les contours sont bien les plus parfaits du monde.
Que me demandes-tu pour prix de ton ouvrage ?
Prends donc cet Apollon et fais-en Battylos,
Et, si jamais tes pas te portent à Samos,
Là, d'après Battylos, tu peindras Apollon.
Anacréon de Téos
(Transcription de Guillot de Saix)
Arcadie n°55/56, juillet/août 1958