Les grappes sauvages, Maurice Périsset
Maurice Périsset a fait de l'homosexualité le ressort de « Deux trous rouges au côté droit ». Sans être le moteur de l'intrigue, ou même au centre de l'univers dépeint, la tendresse discrète de deux jeunes hommes illumine par instants « Les grappes sauvages »...
« Qui avait donc jamais parlé de bonheur et d'amour ? » (p. 232)
Olivier et Catherine, la quarantaine tous les deux, ont restauré de leurs mains une ferme du Haut-Var ; ils y vivent une vie sans histoire. A un amour tranquille a succédé une affection routinière faite de petits renoncements, de petites concessions, de petites compromissions : l'habitude est devenue vertu.
Seule source de liberté et de joie dans cette vie de couple désormais sans surprise, leurs deux enfants : Gilles, seize ans et Sophie, sept ans.
Mais quels points communs ont-ils avec ce Gilles, intransigeant et réticent, en qui ils se reconnaissent sans se retrouver cependant ?
Ils iraient l'un et l'autre vers une vieillesse monotone si des grains de sable n'enrayaient soudain le mécanisme inexorable de leur désunion : l'irruption de Guillaume, un ancien compagnon d'Olivier, avec qui il a combattu en Algérie, la découverte faite par Catherine de certaines lettres compromettantes pour son mari.
Et si Olivier n'était pas cet homme fort, invulnérable et intransigeant qu'adolescente elle admirait plus qu'elle n'aimait ? Le doute s'installe : quelle a été exactement la conduite d'Olivier quand il « pacifiait » les Aurès ? Le destin va répondre à sa place en brouillant les pistes.
Distillant les enchantements de la campagne, et tout le drame d'un couple soudain déchiré par un chantage, Maurice Périsset s'attache aussi – en un mélodieux contre-point – à l'amitié qui existe entre Gilles et Michel, l'employé de ses parents, son aîné de deux ans.
Entre les deux garçons, c'est une fascination contenue, riche de secret et de poésie, née avec les mystères de la nature.
« Souvent, la nuit, Gilles avait eu envie de rejoindre Michel tant la solitude morale aussi bien que physique lui était intolérable, mais cela n'était pas possible parce que les barrières que son imagination dressait entre eux et qui n'existaient cependant pas, lui paraissaient infranchissables. » (p. 150)
« Les grappes sauvages » est un roman plein de péripéties et de tendresse, avec la quête de l'espoir rebelle et de l'odeur d'eau vive qui l'accompagne.
Ce roman, âpre et prenant, confirme qu'il y a des plaies qui restent ouvertes, malgré le silence...
■ Les grappes sauvages, Maurice Périsset, éditions Jacques-Marie Laffont, Lyon, 1981, ISBN : 2863680455
Le roman « Les grappes sauvages » a été réédité en 1990 sous le titre « L’allée des tilleuls » (éditions Hermé, ISBN : 2866651154) dans une version définitive qui insère, entre chaque chapitre, le journal de Catherine Chauffin.
Du même auteur : Les collines nues - Les tambours du Vendredi Saint - Le ciel s'est habillé de deuil - Soleil d'enfer - Laissez les filles au vestiaire - Corps interdits - Les noces de haine - Avec vue sur la mort - Gibier de passage