Louis II de Bavière vu par Marcel Schneider
« Louis II était de ces hommes pétris de chimères, à la sensibilité excessive, qui ont besoin d'être amoureux pour goûter à l'amitié : ils la confondent avec l'amour. Conscients de leur singularité, ils veulent rester ceux qui aiment le plus, le mieux. Encore faut-il que l'ami se prête à cet amour fabuleux et accepte d'incarner le mythe... Il transposait l'amour courtois dans les rapports de suzeraineté. Ce qu'était la dame pour le chevalier dans les romans de Chrétien de Troyes, c'est-à-dire un objet inaccessible d'amour et d'admiration, une occasion de montrer son obéissance, sa valeur et sa fidélité, le suzerain le devient pour le vassal dans l'éthique amoureuse inventée par Louis II. Le vassal doit avoir la foi, croire en son suzerain comme en Dieu, se reposer de tout sur lui et vivre spirituellement en lui. Le serment d'allégeance, ce don de soi d'homme à homme, se fait par la vertu de la parole qui engage et par celle de l'élan du cœur. Il y a là une communion aussi émouvante que le partage charnel, elle maintient les droits de la solitude et cette distance qui doit demeurer entre le suzerain et son sujet. Seul un homme comme Wagner pouvait répondre à l'exigence royale : aussi Louis II lui conserva-t-il sa grâce jusqu'à la mort. »
Marcel Schneider
in Wagner, Editions du Seuil/Points-Musique, 1989, ISBN : 2020105268