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Paco les mains rouges, Fabien Vehlmann et Eric Sagot

Publié le par Jean-Yves Alt

C'est l'histoire d'un jeune instituteur, Patrick Comasson, auteur d'un crime passionnel qui se voit condamné au bagne à perpétuité.
C'est aussi l'histoire d'un hétéro qui se surprend à tomber amoureux d'un homme.
Direction la Guyane au bagne de Saint-Laurent du Maroni.
Le bagne commence dès le départ avec une promenade infamante à travers la France jusqu'au port de Toulon où se fait l'embarquement. Le bateau fait une escale à Alger pour embarquer quelques bagnards venant de Biribi. Patrick Comasson fait alors la connaissance d'Armand dit La Bouzille, un gros-bras au cœur tendre, qui – pendant les quinze jours de traversée – lui fait un grand tatouage dans le dos « La mort qui fauche ».
Sur le bateau, chacun est vite mis au courant par les récidivistes, de ce que seront les conditions, en Guyane.
Sur place, le jeune instituteur découvre que la réalité est pire que celle qu'il avait imaginée. Il se fait violer dès son arrivée par trois hommes. Personne n'intervient. Un chanteur est même là pour couvrir les cris.
Il y a aussi l'autoritarisme des gardiens, la chaleur tropicale, les moustiques, le paludisme, les cabanes qui vont compléter ce chapitre cruel.
Pour survivre, Patrick devra se salir les mains (d'où son nouveau patronyme, « Paco les mains rouges »). Pour se faire respecter, il devra semer la mort (à l'image de la grande faucheuse tatouée dans son dos).
Le bagne est peuplé uniquement par des hommes, pour lesquels, question sexualité, nécessité fait loi, sans que les autorités n'y trouvent à redire. Tout se monnaie contre argent ou services. Il est par exemple possible de se décharger d'une partie de sa peine grâce à un homme qui vous demandera en échange des services : sexuels ou autres. Il sera votre protecteur. La Bouzille jouera ce rôle vis-à-vis du jeune instituteur dès la traversée sans que ce dernier n'en prenne conscience sur le coup.
La découverte du désir homosexuel entre La Bouzille et Patrick permet au lecteur de s'apaiser avec l'idée que dans ces bagnes la discipline n'a sans doute pas empêché les détenus de se donner dans la nuit un peu de tendresse et de plaisir, d'arriver peut-être, pour survivre, à s'aimer, au rythme de regards et de caresses échangés...
Fabien Vehlmann et Eric Sagot ont su ménager çà et là, des pauses de pure poésie : elles apaisent avec opportunité. Car comment ne pas vibrer d'indignation à l'évocation de la vie de milliers d'hommes broyée dans cet univers carcéral.
Les dessins d'Éric Sagot transmettent parfaitement l'atmosphère angoissante qu'engendre la défiance permanente des hommes entre eux. Les couleurs de l'album tout en sépia réduisent quant à elles tout ce qui est noirceur dans ce récit.
Sur la couverture ténébreuse, le bateau, qui emmène les bagnards en Guyane, semble nous apostropher : « Quelle mémoire avez-vous gardé de ces hommes ? A quelle défense des valeurs vous êtes-vous attachés qui pourraient faire que plus jamais un calvaire comme le leur ne soit vécu ailleurs, dans l'indifférence générale, n'importe où au monde, aujourd'hui ou demain, par d'autres hommes ? »
■ Paco les mains rouges (2 tomes) de Fabien Vehlmann (scénariste) et Eric Sagot (dessinateur), éditions Dargaud, 2013 et 2017, ISBN : 978-2205068122 pour le tome 1

Lire aussi la chronique de Lionel Labosse  sur son site altersexualite.com

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