Scènes de chasse en Bavière, un film de Peter Fleischmann (1969)
… ou scènes édifiantes de la vie des honnêtes gens dans une grasse campagne arrosée par des fleuves de vertu et le sang des porcs qu'on égorge entre deux beuveries à la bière.
Scènes de chasse dans le meilleur des mondes possibles : celui où la nature fait bien les choses en donnant en pâture – à la haine rentrée des gens honorables – tout ce qui n'est pas conforme.
Peter Fleischmann campe un village uni face au déshonneur, au stupre, c'est-à-dire à l'homosexualité d'un de ses membres. Il n'y a pas assez de « saint Georges » pour débarrasser l'angélique bourgade de ce dragon pourri.
Que tout ici soit pur et normal ! Le curé bouffe, le maire fait du fric, les bonnes femmes font du boudin entre deux culbutes sur la paille des blés, les vieux paient pour ça et la mère maudit le fils coupable.
Ce film est tiré d'une pièce de théâtre de Martin Sperr (1966) d'où l'articulation du film à partir des dialogues. Le drame naît des mots, qui mènent aux actes.
Le réalisateur, Peter Fleischmann conduit son discours, avec un réalisme d'une brutalité crue, célébrant la poussière des moissons et la vapeur des tripes d'un porc dépecé.
Abram, 20 ans, homosexuel, le gibier, gras et blanc comme un de ces porcs familiers en qui le village communie, est pris au piège à son entrée en scène : plan d'ensemble des villageois sortant de la messe. Jusqu'à la fin, tout est donné avec une efficacité, un naturalisme qui confine au malaise.
Les images célèbrent la nature. Elles ne cachent rien. Pour dépasser les mots, les images cadrent les trognes, les gueules, la haineuse vertu de ce beau monde très simple qui n'entend pas qu'on puisse forniquer comme il ne fornique pas. La caméra est toujours au plus près de ce qui se passe dès que les mots sont lâchés.
Ce film montre le tragique brut : de la messe à la saillie des vaches, de la ripaille autour du porc à la fête du village, à la battue enfin, la curée ignoble autour de celui grâce à qui on peut jouir d'un scandale et se venger de ce plaisir pour éviter, peut-être, le remords de jouir.
La bonne conscience des fascismes, les « nationalismes » s'unifient en une véritable porcherie, morale de l'abjection.