Scoops au lycée, Agnès Laroche
Pomme Ravaillec, collégienne en classe de 3e à la cité scolaire Albert Camus, rêve de devenir journaliste. Une soudaine opportunité lui permet de réaliser son rêve plus vite que prévu. Elle a été choisie pour rejoindre l'équipe du journal scolaire : les « Brèves d'Albert ».
Les autres membres de l'équipe éditoriale sont au lycée de la cité scolaire : il y a la terrible et jalouse Lucia, petite amie de Thomas le rédacteur en chef ; Mathias pour la rubrique sportive et Arthur pour les faits divers et les photographies.
Arthur profite de l'arrivée de Pomme pour lui déléguer les faits divers : la jeune fille est ravie d'autant qu'un premier sujet doit être traité pour la prochaine édition du journal : la disparition depuis la rentrée scolaire de Flore, une élève du lycée. Personne n'a réussi à la joindre… Assez rapidement, elle découvre – grâce à sa psychologie dotée d'une vraie humanité – que Flore est une ado-maman.
Une autre absence, depuis trois mois, inquiète encore plus la collégienne : celle de son père. Et sa mère, auteure de roman-jeunesse, ne donne aucune explication en dehors de dire et redire qu'il est « parti-parti » (p. 70). Bien sûr son père (dessinateur dans l'édition jeunesse) a gardé contact par écrit mais il se refuse à dire le pourquoi de son départ. Il n'est pas possible aussi de le voir :
« J'avais bien essayé de lui demander pourquoi on n'allait pas chez lui et d'en savoir peu plus sur les raisons de son départ, mais à chaque fois il restait évasif ou changeait de sujet. Il me répondait qu'il n'avait pas encore d'appartement, qu'il était hébergé à droit gauche, chez des copains... Quant à sa nouvelle vie, elle n'était pas stabilisée, il ne pouvait pas m'en dire plus, c'était prématuré… Du flou, rien que du flou. » (p. 38)
« Je ne peux rien te dire, Pomme, je l'ai promis à ton père. Il souhaite vous expliquer lui-même les raisons de son départ, quand il se sentira prêt. Il a laissé une lettre pour toi là-haut. Mais il faut que tu saches que notre couple ne fonctionnait plus très bien, vivre et travailler ensemble, c'est compliqué. Je crois qu'on était surtout devenus des collègues. Enfin, mon pauvre cœur, c'est des histoires d'adultes, tout ça. » (p. 71)
Pour Pomme, il aurait été plus simple que son père lui dise qu'il était parti pour une autre femme :
« […] pour la millième fois, je me suis demandé pourquoi on laissait planer tant de mystère autour du départ de papa. S'il était parti pour une blonde, une brune, une rousse ou une chauve, il n'avait qu'à nous le dire. Je lui en voudrais horriblement, puis à la longue je m'habituerais et la vie continuerait. » (p. 84)
Pomme doit faire un reportage sur le nouvel équipement informatique reçu par le lycée. C'est le professeur d'arts plastiques, Monsieur Onimus, qui en est le responsable. La jeune fille n'est pas emballée par ce reportage car elle trouve que ce professeur ne la regarde plus de la même façon depuis que son père a abandonné le projet Art et Informatique, sur lequel il bossait avec Onimus depuis trois ans. Au moment de l'interview de Monsieur Onimus, Pomme est témoin d'un coup de téléphone qu'il reçoit :
— Salut, t'es où ? (Prononcé d'un ton très doux, plein de sucre.)
— OK Écoute, je n'en ai pas pour longtemps, juste un truc à terminer vite fait. (Un truc à terminer vite fait, ça c'était sûrement au cas où je n'aurais pas compris qu'il était hyper pressé !)
— Super, J'ai hâte de découvrir ça. (Vu le ton, le « ça » devait être beaucoup plus intéressant que mon interview !)
— Moi aussi, bisous ! (Rire et voix de miel.) (p. 97)
Pomme pense alors tenir le scoop de l'année : « Le prof le plus sexy du collège n'était plus célibataire, il avait une chérie ! » (p. 97)
Une autre enquête la mène dans le garage de Monsieur Onimus. Un objet qu'elle laisse malencontreusement tomber attire un occupant de la maison dans le garage. Pomme reconnaît immédiatement la voix. C'est celle de son père. Onimus ne vit pas avec une chérie mais avec son père.
« Tu parles d'une situation, mon père en couple avec un autre homme, un prof à moi en plus. Je ne me serais jamais imaginé un truc pareil. Jamais. Et pourtant. J'ai repensé à la tête d'Onimus à chaque fois qu'il me voyait depuis la rentrée. C'était de la gêne, rien d'autre, Mina avait tout faux depuis le début. Ce n'est pas de moi qu'Onimus était amoureux ! Mon père est homo, mon père est homo, mon père est homo, mon père est... La phrase tournait en boucle dans mon esprit. » (p. 161)
Agnès Laroche, l'auteure, trouve le ton juste pour évoquer la situation de Pomme, la narratrice : ton conscient du danger de l'exaltation des sens et de l'affectivité ; ton qui suggère que pour vivre heureux et réconcilié, l'enfant doit se comprendre lui-même dans le monde ; ton humoristique encore pour tuer allégrement chaque belle certitude.
« Scoops au lycée » souffle en creux qu'il y a de la liberté chez l'homosexuel respectueux qui aura ménagé sa position, ses amis, ses enfants... Cet homme en sait davantage sur son propre compte que les chantres de l'épanouissement forcené qui clament leur absence de complexes et qui vivent au bord des larmes.
■ Scoops au lycée, Agnès Laroche, Editions Rageot, 182 pages, 2011, ISBN : 978-2700235449
Lire aussi la chronique de Lionel Labosse