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Un(e), Béatrix Beck

Publié le par Jean-Yves Alt

« Si j'avais été un garçon, Je serais sûrement devenu un inverti », confie Mahaut.

Un ou Une ? Dans la première partie de ce roman, Mahaut dialogue avec son psychanalyste. Mais elle assume. Adulte, elle comprend la chance de cette « imprécision » d'identité.

C'est donc l'histoire d'une femme qui, enfant, n'acceptait pas d'être une fille ou du moins qui ne comprenait pas l'autoritaire différence des sexes. Elle aurait voulu que sa mère lui dise exactement pourquoi elle était née fille (aujourd'hui, cette interrogation ne pourrait sans doute pas avoir lieu, sous cette forme) ; sa mère se contente de dire « Je le sais, j'en suis sûre ». Le doute persiste dans l'esprit de l'enfant.

Mahaut se marie ; elle est mère à son tour. Ce ne l'empêche pas d'avoir toujours cru préférer être homme ou, du moins d'en avoir toutes les possibilités. L'hermaphrodisme est son rêve. Elle est fascinée par les Spartiates qui avaient des nourrices hommes. Bien que (parce que ?) Mahaut a perdu son père très jeune, elle se sent d'abord l'enfant de son père. En même temps, dans le dialogue qu'elle entretient avec son psychothérapeute, Mahaut parle sans cesse de sa mère.

Une chanson semble être le nœud de cette histoire : « La fée folle / Caracole / Sur son poulain vert / Qui trotte à l'envers ». Le poulain vert qui trotte à l'envers, c'est celui qui va à rebours, qui prend le contresens des choses et l'envers des choses détient peut-être une plus grande sagesse – ou du moins une plus vaste compréhension de la vie – que l'endroit.

Mahaut aime l'envers des choses. Mahaut aime son père (elle aura une grande passion pour la fille de son père, sa demi-sœur) et elle aime l'apparence du masculin. Par ailleurs, c'est sa mère qui choisit pour elle vêtements et mode de vie. La mère ne supporte pas une « Mahaut » femme. Elle lui achète toujours des vêtements qui sans être des vêtements de garçon, sont des tenues suffisamment sport pour rappeler l'allure masculine. Mahaut aime bien ces vêtements, même s'ils la marginalisent. Peut-être veut-elle séduire sa mère ?

Mahaut n'est pas malheureuse d'être différente. Elle a très vite le recours à l'écriture. L'imaginaire joue alors un rôle primordial.

Mahaut a davantage besoin d'aimer que d'être aimée. Elle aime un garçon, puis elle aime sa demi-sœur, elle aime aussi des compagnes de classe. Sa mère lui a seriné qu'elle était laide et bête. Aimer les autres, c'est la seule chose qu'elle croit possible. Pas d'être aimée. Elle n'est pas une fille qui cherche sans cesse à attirer les regards sur elle.

Le dialogue à bâtons rompus avec son psychanalyste s'interrompt brusquement par la mort de celui-ci. Le lecteur se retrouve alors plongé dans la vieillesse de Mahaut. Sa vie se transforme entre une réalité possible et un conte de fées. On retrouve alors ce « un-une » à travers les deux visiteuses qui s'occupent d'elle. Ces deux femmes deviennent de purs produits de son imagination. Il y a Eglantine qui est une sauvageonne : elle a un frère jumeau, ils ont ensemble un enfant. Il y a aussi Elme : est-ce un homme, est-ce une femme, un travesti, une transsexuelle, un être intermédiaire ?

Ainsi, au seuil de la mort, Mahaut retrouve, face à elle, cette unité tant rêvée.

■ Un(e), Béatrix Beck, Editions Grasset, 1989, ISBN : 2246418518


Du même auteur : La prunelle des yeux - Recensement - Stella Corfou - Grâce

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