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Recherche pour “ jacques de langlade”

Une Jeunesse (1907) - La neuvaine du petit faune (vers 1920), Jacques Adelswärd-Fersen

Publié le par Jean-Yves Alt

Au travers de ce recueil de Jacques d'Adelswärd-Fersen [1880/1923], c'est aussi le visage de la jeunesse qui se dessine, avec ses joies et ses tourments, ses espoirs et ses désillusions. Hier comme aujourd'hui, l'amour est au cœur de cette rencontre entre l'écrivain et son lecteur.

Ceux qui auront la chance de découvrir ces textes d'Adelswärd – passionnant et émouvant – plongeront d'emblée dans un univers qui, pour être daté dans l'histoire, n'en sont pas moins infiniment proche par les échos qu'ils suscitent.

Jacques d'Adelswärd raconte dans cette nouvelle et ces poèmes – qui se lisent dans un seul souffle – son adolescence jusqu'à l'âge de quarante ans.

« Une jeunesse » évoque à travers le personnage de Nino, adolescent sicilien de quatorze ans, deux amours de l'auteur : l'un – dans une relation « paidérastique » – avec le peintre français Robert Jélaine ; l'autre pour une jeune fille Michaëla avec laquelle il « rencontrait tant de jeunesse et de gaieté » (p.72).

La découverte par l'oncle de Nino, de la relation entre son neveu et Jélaine conduit à la séparation immédiate des deux amants. Le devenir de l'adolescent est fixé : il sera prêtre.

Nino distingue au séminaire les enseignants « aux visages passifs, gras et contemplateurs », les « vicaires ambitieux, ou frères ignorantins » (p. 66) du Padre Seraphino qui enseigne l'Histoire Sainte : « le seul [être] mu par une foi sincère, un désintéressement absolu » (p. 66). Pour Nino, c'est un instant de lumière maladroitement recouvert par les ombres du quotidien :

« Ils passèrent là des heures inoubliables. Tantôt c'était le sacrifice d'Abraham et le beau corps juvénile de Jacob souriant déjà vers Dieu. Tantôt passait en frémissant la tendresse éperdue du Cantique des Cantiques, "Mon bien-aimé... mon bien-aimé... j'ai attendu jusqu'à l'aurore !... Mes lèvres ont soif de toi !" Et tantôt aussi, David adolescent dansait en rêve devant le roi Saül, plus léger, plus troublant, plus racé qu'une courtisane. » (p. 67)

Le père Seraphino lui obtient des permissions de sortie. Nino s'amourache alors d'une jeune fille ; le prêtre devient peu à peu jaloux de cette liaison.

Nino n'hésite pas à mettre en scène cœur et tripes, au péril de saigner très fort : il est avant tout l'amoureux, au risque de la fragilité, de la faille, de la souffrance d'aimer totalement, jusqu'au bout…

Le drame qui pointe est raconté sans une vulgarité de ton : il est également sans ambiguïté.

La rage de dire

« Une jeunesse » est aussi une nouvelle sur la rage de dire. En 1907, elle s'ouvre sur un terrain non déblayé où combattre reste pourtant possible avec cette passion dans les mots qui est le besoin d'être libre de choisir son attitude face à l'angoisse.

« Nino, ce n'est pas un crime ! Rien de ce qui touche à la Beauté n'est un crime ! Quand deux cœurs vont naturellement l'un vers l'autre et que dans cette union ils puisent de l'enthousiasme, de l'abnégation et ce frisson surhumain qui nous fait dominer la vie, même si ces deux cœurs étaient les seuls au monde mus par une affinité pareille, on doit les admettre et les respecter. À mesure que tu grandiras, mon petit, tu verras que l'Amour remplace la Religion ou si tu préfères, tu verras que la Religion, de divine, s'est faite humaine. La prière est devenue le baiser ! […] Or, ces temps doivent changer ! Nous avons le droit d'être libres, d'idéaliser nos sensations au milieu de la dignité des cœurs et de la pureté des esprits ! Place à toute la Passion ! Sois donc fier de l'élan qui joignit nos lèvres. Platon, Virgile et Phidias ont immortalisé autrefois ton geste. Ce que l'on appelle folie contre nature s'est perpétué de génie en génie, de douleur en douleur, d'espoir en espoir ! Un jour renaîtra la douce aurore... Et ce jour-là, toutes les étreintes deviendront admirables !... » (pp. 50/51)

« La Neuvaine du petit Faune » est constitué de neuf poèmes (restés inédits jusqu’à aujourd’hui [1]) que Jacques d’Adelswärd, à la fin de sa vie, a dédiés à un adolescent de Sorrente.

La littérature de Jacques Adelswärd-Fersen est-elle aristocratique et/ou décadente [2] ? Il s'agit surtout d'une violence exercée par l'auteur sur ses lecteurs. Cette violence prend toutes les formes. Si Adelswärd écrit « La Neuvaine du petit Faune » vers 1920 (et, publié seulement aujourd'hui), il a le courage de dire, dans son chef-d'œuvre, que constitue « Une jeunesse », son homosexualité.

A l'heure où l'on entrevoit un reflux de la sexualité érigée en système, l'expérience de vie de Jacques Adelswärd-Fersen conforte dans une recherche plus humaine de l'autre. Il dit, avec une sérénité qui n'étouffe pas la passion, que l'amour est aussi (d'abord ?) souffrance. Comment ne pas lui donner raison si on veut bien examiner, avec un minimum de lucidité, nos vies personnelles ?

Et si Jacques Adelswärd-Fersen en dénonçant la prison qui assigne une identité et contraint à être défini par une sexualité était un précurseur de quelques analyses de Michel Foucault ?

■ Une Jeunesse (1907) - La neuvaine du petit faune (vers 1920), Jacques Adelswärd-Fersen, Préface de Patricia Marcoz, Éditions Quintes-Feuilles, 153 p, 2010, ISBN : 9782953288537

[1] Ce recueil de poèmes appartient à l'exécuteur testamentaire de Roger Peyrefitte qui en a autorisé la publication par les éditions Quintes-Feuilles.

[2] cf. l'excellente préface de Patricia Marcoz.


Lire aussi : Dossier Jacques d'Adelswärd-Fersen présenté par Patrick Cardon (Cahier Gai-Kitsch-Camp) - Le non-conformisme à la Belle Epoque par Marc Daniel (revue Arcadie n°69 à 73)

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Jacques Fortin non favorable au mariage pour tous

Publié le par Jean-Yves Alt

« […] lors du débat sur le pacs […], je prônais la lutte pour [la] reconnaissance de l'union libre et la dévolution aux unions librement déclarées des droits afférents au mariage à la demande des intéressé/es, sur la base de conventions librement rédigées et évolutives en fonction de la vie réelle et non des caprices normatifs de la loi, ce qui aurait eu pour mérite :

1) de faire un front commun hétéros/LGBT autour d'une forme d'union massivement répandue

2) de déconstruire la loi au profit des libres décisions des partenaires

3) d'ouvrir la voie à des unions plus diverses que le duo/duel conjugal

4) de permettre les coparentalités multiples à teneurs variables (et, soit dit en passant, de déplacer le débat théologico-métaphysique du mariage vers la simple, concrète libre décision des personnes)

Enfin, la revendication du mariage pousse les LGBT sur la voie de la normalisation conjugaliste, avec appropriation privée du corps de l'autre et dépossession du mien (le mariage est avant tout la fin de la libre disposition de soi et de son propre corps avec en fond d'écran historique et morale l'appropriation des femmes par les hommes) avec introduction dans les conflits interpersonnels d'un troisième partenaire : l'État, via la loi, qui régit cette appropriation.

Bref, c’est une terrible responsabilité qu'ont prise les "élites" associatives LGBT.

Néanmoins maintenant que, de l'extrême droite à Jospin, on prend le prétexte de cette loi absurde pour donner une victoire à l'homophobie, c'est la mort dans l'âme que je me dis que le vin étant tiré il faut le boire jusqu'à la lie et imposer cette sottise historique. »

Jacques Fortin

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Vanités par Jacques Linard

Publié le par Jean-Yves Alt

Jacques Linard est connu comme peintre de vanités (objets symboliques de la fuite du temps et de la fragilité de la vie : la fleur fane rapidement, le fruit se flétrit comme la peau de l'homme...). Ici, les objets symbolisent les cinq sens et les quatre éléments. De multiples liens symboliques les réunissent.

La vue est représentée par le miroir ainsi que par la beauté multicolore des fleurs ; l'ouïe par le luth, la flûte, et la sonorité des cuivres (le mortier est posé comme un gong) ; l'odorat est représenté par le parfum des fleurs, le fumet des racines, le « nez » du vin ; le goût par le vin encore, ainsi que par les fruits et les tubercules, ou les petites pâtisseries dans leur boîte circulaire. Enfin le toucher est représenté par la chaleur du feu, la douceur des plumes, la froideur des étains, mais aussi par ces objets à prendre en main que sont les cartes et les dés.

Jacques Linard – Les cinq sens et les quatre éléments – 1627

Huile sur toile, Musée du Louvre, Paris

En ce qui concerne les quatre éléments, c'est le feu qui est central, originel, purificateur, et potentiellement destructeur de tout le reste. L'air s'installe sur une diagonale tendue entre l'oiseau et la légèreté du papier à musique et de la flûte (instrument à vent). L'eau est sur l'autre diagonale, entre le bocal de l'iris et le bouquet qu'elle maintient en vie un peu plus longtemps. La terre, enfin, est partout, dans les racines et les tubercules, mais aussi dans le bois et le métal, jusque dans le goût de terroir du vin.

L'œuvre va bien au-delà de son titre : elle met subtilement l'accent sur les liens et les correspondances qu'entretiennent sens et éléments : le feu brûle les sens, le miroir de la vue reflète le luth de l'ouïe, l'oiseau de l'air est très doux au toucher, etc. Ces croisements permettent un cheminement sinueux dans l'image.

Ce parcours peut se terminer dans la zone proche de la signature sur le tiroir où le papier à musique, symbole fort de la fuite du temps, côtoie les dés et les cartes. Ceux-ci disent le hasard qui mène le monde et la vie.

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Les nuits de juillet, Jacques Siclier

Publié le par Jean-Yves Alt

La mort du père

Une lettre anonyme, une adresse. Jean-François part à la recherche du père inconnu. Dans quelles circonstances est mort l'acteur célèbre dont l'image hante son existence ?

La version officielle est qu'Alexandre Brétigny s'est suicidé cette tristement fameuse nuit de juillet 1942, veille de la rafle du Vél'd'Hiv'.

Mais l'intrigue apparente du très beau roman de Jacques Siclier est un piège. L'enquête véritable du fils est de comprendre sa propre vérité. Les nuits de juillet se transforme lentement en un insolite roman d'amour, un éloge du bonheur.

Si Jean-François maintenant marié revient à Paris, c'est aussi pour retrouver Vincent, le seul homme qu'il ait aimé. Il a quarante ans : leur passion est intacte.

Les nuits de juillet mêle avec talent le passé et le présent : le souvenir imaginaire du père, la mort de la mère, le mariage de Jean-François et de Marceline, l'annonce de la naissance d'un deuxième enfant, les émouvantes retrouvailles des deux hommes.

Les nuits de juillet est l'histoire d'une longue naissance, celle de Jean-François qui admet que l'on peut aimer à la fois un homme et une femme, fonder une famille, que l'on peut faire exploser tranquillement les codes, ceux de l'hétérosexualité certes, mais aussi ceux de l'homosexualité qui exigent aussi que l'on choisisse son clan et s'y enferme.

La mort du père qui ne fut ni héroïque ni lâche, mais accidentelle, la mort du père enfin élucidée le fils ressuscite. Jean-François se détourne du terrorisme de la légende et se recrée, multiple et unique.

Une belle histoire et aussi un courageux témoignage : un homme peut aimer un autre homme en toute dignité, sans pour autant s'amputer des bonheurs communs à tous les êtres humains.

■ Les nuits de juillet, Jacques Siclier, Editions Seghers, 1991, ISBN : 223210396X

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Messes Noires. Lord Lyllian de Jacques d'Adelswärd-Fersen

Publié le par Jean-Yves Alt

Le succès de Jacques d’Adelswärd-Fersen (1880-1923) ne se dément pas. Les éditions originales ou anciennes de ses livres se vendent aujourd’hui à des prix remarquables. Je lui ai consacré en 1991 un dossier, enrichi en 1993, qui permet de comprendre dans quel contexte polémique son œuvre s’est développée. On doit à Mirande Lucien d’avoir donné une image assez exacte d’Akademos, revue que Fersen a fondée en 1909 et soutenue toute l’année et qui peut à juste titre être considérée comme la première revue homosexuelle française. Jean-Claude Féray a attiré notre attention sur son œuvre littéraire aux éditions Quintes-feuilles. Alors qu’il vient de publier Jeunesse (1907), je suis heureux d’avoir enfin pu mettre la dernière main à cette réédition de Lord Lyllian (1905).

Jacques d'Adelswärd-Fersen, Messes Noires. Lord Lyllian (1905)

éditions QuestionDeGenre/GKC, 2011, ISBN : 978-2908050684, 17€

 gaykitschcamp

Lord Lyllian est un roman à clefs où se rencontrent les sommités homosexuelles de la fin du XIXe : Oscar Wilde, Lord Alfred Douglas, John Gray, Jean Lorrain, Joséphin Péladan, Achille Essebac, Robert de Montesquiou, Friedrich Krupp – et Fersen lui-même – ainsi que leurs égéries les actrices Ellen Terry et Sarah Bernhard. Les amateurs de ces personnages devenus de véritables icônes se réjouiront de la manière dont Adelswärd-Fersen les met en scène avec des dialogues très camp que Wilde n’aurait pas reniés et dans des poses mélodramatiques à souhait. J’espère que, comme moi, vous tomberez amoureux de Lord Lyllian, dans une nouvelle édition portée par d’éminents spécialistes respectivement de la littérature homosexuelle et de la littérature décadente, Jean-Claude Féray et Jean de Palacio.

Patrick Cardon

Disponible depuis le 1er mars aux librairies Les Mots à la Bouche, 75004 Paris, Comme un roman 75003 Paris, Violette&Co, 75011, LesCahiersDeColette, 75004

ou commande franco de port = chèque de 17 euros libellé à GKC à adresser à Patrick Cardon chez Faria 37 rue Gabrielle 94220 Charenton le Pont

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