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Recherche pour “galerie au bonheur du jour expo maisons closes”

Les entretenus par Félix (*) Carlier (1887)

Publié le par Jean-Yves Alt

Ancien chef du service des mœurs à la Préfecture de Police de 1860 à 1870, Félix (*) Carlier publia en 1887 un gros ouvrage, extraordinairement documenté, sur « Les deux Prostitutions » (1). Nous détachons quelques curieuses anecdotes de la seconde partie du livre qui donne un suggestif panorama de la prostitution masculine à Paris.

Le but suprême de tout insoumis est d'arriver à se faire entretenir, parce qu'alors, c'est le domicile, les moyens d'existence et souvent le luxe assurés. C'est la possibilité de déserter complètement et la maison paternelle et l'atelier ; c'est, avec la liberté absolue, l'espoir d'une vie de plaisirs.

Ces liaisons nouées, soit à la suite d'un racolage sur la voie publique, suivi de plusieurs rendez-vous, soit dans une soirée, soit dans un bal, durent souvent plusieurs années, mais dans des conditions qui varient entre elles, suivant le degré de passion et la position de fortune des entreteneurs.

Celui-ci, qui ne donne à un petit jésus qu'une assistance insuffisante, n'a pas le droit d'être exigeant et lui laisse assez de liberté pour qu'il se procure ailleurs la somme complémentaire qu'exigent ses besoins.

— Quelles sont vos ressources ? demandait-on à un nommé I…

— Je suis entretenu, répondait-il, par le capitaine de X... qui m'envoie 200 francs par mois, de Savoie où il est en garnison.

Trois provinciaux m'envoient chacun 150 francs par mois pour les services que je leur rends lorsqu'ils viennent à Paris.

Enfin, M. Y.... me donne 250 francs par mois, soit pour user de moi, soit pour lui fournir quelqu'un à ma place une fois par semaine, le jour qu'il m'indique.

Un autre, qui ne peut fournir que le strict nécessaire, demande, par raison d'économie, que le petit jésus fasse la cuisine. Chaque soir, il vient prendre son repas avec lui ; ce qu'il dépenserait au restaurant, pour lui seul, leur suffit pour vivre à deux.

Cet autre, plus économe encore, ou plus amoureux et plus jaloux, cohabite avec son petit jésus, et tient complètement ménage avec lui.

Tout cela, c'est ce que les filles appellent la popote, le pot-au-feu. C'est un pis-aller, c'est une attente dans l'espoir de mieux trouver. Mais voici venir un heureux du jour, un de ceux qui excitent les convoitises de toute la cohue.

Celui-là habite un appartement luxueusement meublé, parfois un petit hôtel. Il a une maison de ville pour l'hiver, de campagne pour la belle saison. L'été, il va aux eaux. Sa chambre à coucher, capitonnée de soie en couleur tendre, est un véritable boudoir. Il porte aux mains de magnifiques bijoux avec de vraies pierres fines. Sa toilette est ridiculement irréprochable. Il est coiffé, frisé, pommadé, maquillé selon toutes les règles de l'art. Toute sa précieuse personne, qui laisse derrière elle une traînée de parfum, a les allures efféminées qui constituent le suprême bon ton dans le monde de la pédérastie.

Comme les femmes à la mode, il déjeune au lit et se lève vers midi. Un vieux raccrocheur que son âge avancé a mis en réforme lui sert de femme de chambre. Ses après-midi sont consacrés à la promenade. Vers six heures, il rentre, fait une nouvelle toilette, va dîner le plus ordinairement au restaurant. Lorsqu'il attend la visite de son entreteneur, il revient chez lui; lorsqu'il est libre, il court les spectacles, les bals, les lieux de plaisir, retourne de temps à autre aux Champs-Élysées, théâtre de ses premiers exploits, où il s'encanaille (comme il dit) en menant une aventure avec un petit jésus. Pendant les soirées d'hiver, il reçoit souvent chez lui, ou va dans le monde.

On devine ce qu'est ce monde dans lequel il va.

Le petit jésus, lorsqu'il a réussi à se faire richement entretenir, affiche un dédain humiliant pour cette tourbe dont, la veille encore, il partageait la misère. Lorsqu'une fantaisie lubrique le ramène au milieu d'elle, il prend ses précautions et cherche à conserver le plus strict incognito – telle une femme à la mode, rassasiée de luxe, se déguise en grisette pour retrouver, dans les bals de barrière, un regain de ses premières amours ; mais sa dignité le contraint à ne plus fréquenter que des amis de son rang, entretenus comme lui, les seuls avec lesquels il puisse se lier sans déroger et dont l'ensemble compose ce qu'il appelle : le monde. […]

Un entreteneur qui fait partie d'une coterie ne peut s'attacher définitivement un petit jésus sans que cet heureux événement ne soit l'occasion de réjouissances.

D'abord il y aura les adieux à la vie de garçon. Il autorisera sa nouvelle conquête à réunir dans une orgie dansante, à laquelle, il est vrai, il n'assistera pas personnellement, tous ses anciens compagnons, les insoumis avec lesquels il racolait la veille encore. Puis viendra la soirée de fiançailles pendant laquelle il présentera soir petit jésus à ses amis et à leurs entretenus.

Ces soirées se composent ordinairement de vingt-cinq à trente personnes.

On n'y est admis que sur lettres d'invitation, et ces lettres ne sont pas envoyées à la légère. Il faut, pour être porté sur la liste, ou faire partie de la bande, ou être présenté par quelqu'un qui en fasse partie, et qui réponde de votre discrétion. Encore l'amphitryon ne consulte-t-il pas que ses convenances pour l'envoi des invitations, il prend l'avis préalable des gros bonnets de la coterie.

Le billet ci-joint témoigne des préoccupations dont je parle :

« On m'engage à inviter M. X.... à ma réunion de samedi. J'ajournerai cette invitation jusqu'au moment où vous m'aurez assuré que cela ne vous froissera en rien, que vous n'avez rien à redouter de lui. »

in Le Crapouillot n°30, « Les Homosexuels », août 1955, pp.21-22

(*) Il ne faut pas confondre Pierre Carlier (1794-1864), qui fut préfet de police, avec Félix Carlier, auteur d'un ouvrage fameux sur Les deux prostitutions (1887), la « prostitution antiphysique » constituant la seconde partie de l'ouvrage. Par ailleurs, le catalogue de la BNF semble responsable d'une erreur assez répandue au sujet de ce dernier, en charge de la police des moeurs de 1860 à 1870, l'initiale F. de son prénom étant interprétée dans le catalogue par François au lieu de Félix. Un article de lui paru dans les Annales d'Hygiène publique et de méd. lég. (1871 p. 282) tranche la question : son prénom est bien Félix.

Jean Claude Féray

in Le registre infamant, éditions Quintes-Feuilles, octobre 2012, ISBN : 978-2953288568, pp. 12-13


(1) Félix Carlier, Les deux prostitutions, Paris, Editeur E. Dentu, 1887, deuxième partie : Prostitution Antiphysique, chapitre II : Classification des pédérastes, pp. 332 à 335 et p. 341 pour l'extrait cité, (téléchargeable sur le site Gallica)

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Les petites marées, Séverine Vidal

Publié le par Jean-Yves Alt

Dans ce roman, Gaël, 15 ans, jeune homosexuel dans le déni, ne fait qu'entrevoir son amie d'enfance, Mona, dont il feint de croire s'être épris. C'est à travers cette adolescente, compagne sans cesse reprise puis abandonnée, que le couple dont rêve Gaël est possible… jusqu'au jour où il fait comprendre à Mona, qu'il est amoureux de Lucas.

Gaël préfère rester avec Mona dans les jeux de l'enfance. Il n'évoque jamais son désir pour la jeune adolescente. Leurs blessures respectives ne parlent que dans le silence. C'est en filigrane, dans les non-dits (exprimés aux lecteurs par le double système de narration), la séparation des corps après les vacances, la distance, les improbables rapprochements, que se joue la blessure vécue par chacun des protagonistes. Le couple Gaël-Mona n'est suggéré que dans ce jeu et ce perpétuel déchirement.

Cet amour impossible est exprimé à travers le deuil de la grand-mère de Mona, l'obsession de la mort et ce tissu de soie noir dont l'adolescente se pare pour se cacher. Cette mort finit par l'envahir, à cause de l'amour qu'elle éprouve pour ce jeune homme avec lequel elle aurait tant aimé vivre.

Il y a dans « Les petites marées » l'incessant renvoi à la mort comme le flux et le reflux de la mer à travers le temps. Mort de l'enfance. Il y a l'interminable répercussion d'un amour sur un autre, de la mort d'un amour qui tue et transfigure le couple Gaël-Mona.

Situation brouillée : ce couple porte en lui la mort réelle de la grand-mère, la mort tout aussi réelle de leur histoire d'amour qui n'a au final jamais existé.

nullCe roman fait le constat d'horreur, à travers le silence, l'absence, la fulgurance d'un désastre, d'une véritable tragédie dans une grande sobriété de décors et de dialogue.

Dans « Les petites marées », il y a l'écho incessant des gestes, des silences, des appels comme les battements du ressac, dehors du côté du large. L'architecture de ce roman montre l'urgence de dire, de confondre, les amours et les corps, la mort et l'impuissance, le désir et son absence, l'homosexualité, et la présence de la femme. Tout ce mélange a lieu dans la maison de la grand-mère qui se vide peu à peu des meubles, des objets...

Il y a dans ces rencontres murmurées, ces échanges de paroles qui ne cessent d'entretenir les blessures, la recherche de la mort. Comme si cette mort pouvait venir au cours des phrases, surgir comme par inadvertance.

C'est surtout la jeune fille qui voit la mort. Elle a plus que son ami d'enfance l'intuition de la mort. Elle peut la dévoiler, la découvrir sur un visage, par un simple regard, quelques paroles évocatrices. Elle doit se demander si dans l'absence de désir d'un homme pour une femme il peut y avoir autre chose que la mort pour dernier recours.

Heureusement, Séverine Vidal est un sage qui ne se repaît pas du désespoir des histoires d'amour qui meurent :

« Sous la couette, bien au chaud, je repense à cet été bizarre, triste et un peu drôle. Je suis sur ma lancée, loin des tempêtes. » (p. 110)

■ Les petites marées, Séverine Vidal, Oskar éditeur, 110 pages, mars 2012, ISBN : 978-2350008363


Lire aussi la chronique de Lionel Labosse

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« Papa, c'est quoi un homme haut sekçuel ? » un album d'Anna Boulanger

Publié le par Jean-Yves Alt

dessin-d-un-livre.jpgTinig comprend au pied de la lettre tous les mots qui désignent son père… Un album qui aborde, avec délicatesse et sans aucun conformisme, l'homosexualité du père de ce jeune garçon. Avec des illustrations emplies de fantaisie qui donnent à ce livre un caractère vraiment singulier. Mais peut-il être compréhensible par un enfant de six ans ?

Texte de l'album : Tous les week-end, je vais chez mon Papa. Mon Papa est un monsieur joyeux, tout le monde dit qu'il est « gai » ! Tonton Marius croit que c’est un extra-terrestre : il dit que c'est un « Uranien ». Mais, j'ai demandé à Grand-Mère, et elle m'a confirmé que ni elle ni Grand-Père ne venait de la planète Uranus. Madame Huguette, la boulangère, elle est catholique. C'est pas comme mon Papa. Lui, il est « Socratique ». J'ai entendu Madame Huguette le dire à Marie-Thérèse, la vieille dame qui habite au coin de la rue de la Messe : celle qu'on traverse le dimanche avec Grand-Mère pour aller à l'église. Quand on va à la ville, dans l'appartement de ma Marraine Françoise, il faut monter en ascenceur. Mon cousin Gilles, le fils de Marraine Françoise, il dit qu'on habite au Moyen-Âge et il appelle mon Papa le « chevalier de la tasse ». C'est sans doute parce qu'il arrive à boire sa tasse de café avec seulement deux doigts “à l’anglaise”, sans en renverser une seule goutte ! Une fois, dans la rue, j'ai entendu Monsieur le poissonnier dire à Madame Huguette que mon Papa fait une bien bonne réputation au pays avec la « brouteuse de gazon » qui habite à la sortie du village ! Dans la vieille maison à la sortie du village, c'est Lucie qui vit là, avec Jeanne son amoureuse. Lucie, c'est la meilleure amie de Maman et c'est aussi la maman de mon amoureuse ! Mais je savais pas qu'elle était célèbre ; je savais pas que les banquières c'étaient des personnalités importantes. Mon Papa, il a plein d'autres surnoms : on l'appelle aussi « Pédale ». « Petite tapette ». Mon Papa s'appelle Paol Skouarneg. En breton, ça veut dire Paul qui a des oreilles. Moi aussi, je m'appelle Skouarneg, Tinig Skouarneg... Un jour, j'ai raconté tout ça à mon Papa. Ça l'a beaucoup fait rire, mais il s'est un peu fâché... Puis il m'a expliqué... Tous les mots que j'avais entendu voulaient simplement dire que mon papa est homosexuel ; ça veut dire qu'il aime les messieurs.

Si l'idée de départ est bien vue, sa réalisation s'adresse beaucoup plus à un public instruit pour comprendre les sous-entendus des jeux de mots évoqués par l'auteur. Je ne vois pas comment un adulte peut s'en sortir avec un très jeune enfant – auquel s'adresse cet album – pour faire comprendre les termes d'«uranien», de «socratique» ou de «chevalier de la tasse»…

■ « Papa, c'est quoi un homme haut sekçuel ? » un album d'Anna Boulanger, Editions Zoom, Collection Gros béguin, janvier 2007, ISBN : 9782919934447


Lire aussi la chronique de Lionel Labosse sur son site altersexualite.com

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Le cercle du pouvoir, un film de Bobby Roth (1981)

Publié le par Jean-Yves Alt

Le cercle du pouvoir de Bobby Roth fait référence à certaines pratiques qui eurent cours aux Etats-Unis dans les années 60.

Les employés d'une grosse firme internationale désirant devenir cadres étaient obligés de suivre (en payant) un séminaire de plusieurs jours dans un institut où l'on s'efforçait de leur inculquer les secrets de la réussite, le goût du commandement : pour cela les animateurs de l'institut avaient les mains libres et s'employaient par tous les moyens à « décrasser » l'esprit des postulants, à débarrasser ceux-ci des inhibitions qui entravent l'efficacité du chef.

Parallèlement, leurs épouses étaient regroupées afin de devenir d'authentiques « femmes de chef ». Précaution de l'institut : il faisait signer aux candidats un document autorisant les animateurs à agir en toute impunité.

Evidemment, on imagine que la violence et l'humiliation allaient devenir les règles du jeu...

Le film de Bobby Roth nous montre donc plusieurs couples réunis dans une semblable expédition pour le succès professionnel et social : les femmes sous la baguette du bellâtre Jordon (John Considine) et les hommes sous le charme féroce de la belle Bianca (Yvette Mimieux qui entretient un trouble glacé) assistée de deux malabars. Tout se passe dans la superbe maison de Bianca où est étalé tout le mauvais goût américain pour le clinquant et l'apparence.

L'ambiguïté du film résidera d'ailleurs dans l'apparence : dans quelle mesure les candidats sont-ils sincères, dans quelle mesure jouent-ils le jeu, dans quelle mesure sont-ils conditionnés par le lavage de cerveau qu'on leur impose ?

S'agissant de façonner des chefs, de fabriquer des gens qui s'assument totalement, les animateurs s'emploient à créer dans le groupe des contraintes mutuelles, des pressions entre les candidats : que l'on refuse d'avancer, de parler, de se mettre à poil au physique comme au mental, les autres l'assaillent, participent à son humiliation afin de l'aider à « progresser », car le retard d'un seul rejaillit sur tout le groupe (sanctions physiques et arrêt collectif de la progression) comme le succès de l'un entraîne un pas en avant pour tous.

Exemple de blocage résolu grâce à la méthode-choc de Bianca ?

Celui du gros Buddy. Pourquoi est-il obèse et tellement inhibé ? Parce que, adolescent, il surprit sa mère dans un rapport homosexuel et que lui-même fut sodomisé par son instituteur. Il en avait éprouvé du plaisir, mais l'image de sa mère ayant établi un tabou sur l'homosexualité, il devint obèse pour ne plus jamais être désiré par un homme...

Le plus dramatique est que les applications de cette idéologie douteuse semblent donner des résultats et au bout du compte on se demande si cette thérapie n'aurait pas simplement mis en lumière que l'humanité court le risque permanent du fascisme.

Dans le groupe que présente le film, un seul individu (celui qui se révolte vraiment et s'impose à tous les autres) devient un meneur d'hommes, tandis que les autres ont vu pousser la graine de bon militant fasciste qui attendait l'occasion de se révéler. Là réside l'intérêt d'un film.

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La fonction, Jean-Marie Besset [Théâtre]

Publié le par Jean-Yves Alt

La fonction est une pièce de théâtre représentant deux homosexuels qui ne sont ni des personnages ridicules ni les sujets centraux. Elle raconte les jeux de pouvoir et de séduction entre deux hommes, Eden et Adamson : quand les désirs se conjuguent pour former un nouvel ordre amoureux.

Dans l'univers glacé d'un appartement ultra-chic, Adamson sort de la chambre d'un certain Eden – le mal nommé – avec qui, il vient de partager une nuit d'amour. Mais le jeune et beau Adamson confond liens et liaisons : il aura tôt fait de se heurter à l'absence de sentiments, et sera exclu sans raison apparente de ce jardin d'Eden à peine entrevu.

Au schéma du naïf éprouvé par un cynique se superpose le scandale d'un jeune homosexuel humilié dans son homosexualité même, par un homosexuel riche, puissant et plus âgé.

Douloureux sevrage aussi pour la concurrente directe d'Adamson, Jouve, dont le ventre est loué par le maître des lieux, Eden, pour s'assurer une descendance sans engagement sexuel.

Jouve et Adamson sont deux données inattendues qui viennent se ficher dans le tissu impeccable d'une existence calculée au désir près : tous deux réclament amour et reconnaissance tandis qu'Eden rêve d'un monde sans femmes et sans trop d'émotion.

Deux demandes de couple se font jour dans cette pièce, de la part de Jouve et de la part d'Adamson, même si Jouve a un avantage qui est d'être déjà dans la place.

La fonction rappelle qu'il y a des êtres qui sont pris puis aussitôt jetés. On pense souvent que les rapports amoureux sont régis par un certain nombre de règles comme par exemple : si deux personnes vivent ensemble et si l'une a une aventure, la tierce personne est censée apparaître puis disparaître. On admet généralement que cet autre – ce tiers – n'a rien à dire… Et pourtant qu'est-ce qui l'empêche de tomber amoureux ? Qu'est-ce qui empêche celui qui est pris, pour un soir ou deux, de tomber amoureux de celui qui le traite ainsi ? Peut-être y a-t-il même un exercice de pouvoir de la part de celui qui chasse l'autre, le petit matin arrivé…

Cette pièce rappelle que coucher n'est pas connaître. L'intimité physique trouble, elle donne une connaissance de l'autre instinctive qui procure un sentiment de sécurité. Mais le lendemain arrivé, on s'aperçoit qu'on ne sait rien d'une manière rationnelle.

Si personne ne meurt dans la pièce, il y a pourtant une suite de petites morts accumulées. Il y a dans la maison d'Eden, quelque chose d'inhabitable et il y a de quoi trembler pour l'enfant, porté par Jouve, qui va naître là.

■ La fonction, Jean-Marie Besset [Théâtre], préface d'Angelo Rinaldi, éditions Actes Sud, collection Papiers/Théâtre, 1992, ISBN : 2869431260

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