La peur au placard, Perrine Leblan
Une nouvelle année scolaire commence pour Elsa. Elle s'est toujours sentie un peu mal à l'aise, un peu étrangère, mais cette année, c'est différent et elle ne sait pas mettre de mots sur ce qu'elle ressent. Depuis quelque temps, elle se surprend à regarder un peu trop la fille du premier rang (le lecteur n'apprendra rien sur elle) : sans réussir à comprendre d'où vient ce trouble.
Un roman sur le thème de l'orientation sexuelle.
Elsa se rapproche de Chloé car elle l'intrigue : elle pense qu'elle est aussi attirée par les filles.
« Elle avait l'air beaucoup plus vieille que nous, je lui aurais donné au moins un ou deux ans de retard, peut-être à cause de la dureté de son visage que ses cheveux courts, dressés sur sa tête, ne faisaient rien pour adoucir. Elle portait des T-shirts informes de groupes de rock et des pantalons militaires, affectait des manières rudes et des attitudes typiquement masculines, jouait au foot entre les cours. Depuis qu'elle était arrivée, la rumeur ne l'avait pas lâchée.
— C'est vrai alors, ce qu'on dit ? T'es gouine ?
J'ai serré les poings sous l'insulte et toute la haine qui suintait dans la voix de Maxime. Chloé a juste haussé les épaules […] » (pp. 26-27)
En discutant avec Chloé, Elsa découvre à quel point elle est imprégnée de préjugés.
>— Tu voudrais être un garçon ?
J'ai eu vraiment honte d'avoir posé cette question, ça m'avait échappé. Pourtant, Chloé n'a pas eu l'air de mal le prendre :
— Non. Je me sens fille, je suis heureuse comme je suis. Mais on peut être tellement d'autres choses que juste une fille ou un garçon...
— […] « Garçon » ou « fille », c'est juste des petites boîtes qui servent à ranger les gens, mais au fond ça veut pas dire grand-chose. Évidemment, la plupart du temps, y a des différences physiques qui permettent de décider dans quelle boîte on va. Sauf qu'il y a des gens qui pensent que ces trucs physiques, ça suffit pas. La seule chose qui peut dire si t'es un garçon ou une fille, c'est ce que toi tu ressens à l'intérieur. Y en a qui se sentent ni garçon ni fille, ou un peu des deux. Y a aussi des garçons qui préfèrent s'habiller comme des filles et des filles qui préfèrent s'habiller comme des garçons, et d'autres qui préfèrent tout mélanger. Et puis y a des gens qui sont nés garçons ou filles et qui se sentent l'inverse, alors ils changent complètement, même leur physique. (pp. 32-34)
Le meilleur ami de la mère d'Elsa, Phil, est homosexuel. Les deux adultes se parlent en cachette car le père d'Elsa a peur pour sa fille…
Elsa décide de se confier à Phil, de comprendre les différents rejets, de savoir comment on peut vivre sans perdre son identité. Elle a cette soif de mots qui pourraient éclairer sa vie :
« Elsa, je ne vais pas te mentir, il y aura des moments difficiles, mais le pire, c'est maintenant. Et aujourd'hui je suis heureux d'être gay. Justement parce que ce n'est pas facile : être gay te rend plus sensible à ce qui t'entoure, aux autres qu'on montre du doigt, ça te fait réfléchir à deux fois avant de rejeter ce qui est différent. Être gay m'a aussi permis de rencontrer des gens incroyables. Je ne peux pas te promettre qu'un jour tu seras heureuse d'aimer les filles, en revanche je peux te promettre qu'un jour tu ne seras pas plus malheureuse que si tu préférais les garçons. » (pp. 61-62)
Un court roman où les remarques de Chloé, de Phil, de la mère d'Elsa devraient permettre aux lecteurs d'accepter qu'aimer consiste avant tout à considérer l'autre comme autant existant que soi-même.
Un livre à discuter en classe.
■ La peur au placard, Perrine Leblan, Oskar éditeur, 78 pages, juin 2015, ISBN : 979-1021403444