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Les rues de Barcelone, Francisco Gonzales Ledesma

Publié le par Jean-Yves Alt

Ce roman offre une intrigue sinueuse qui accumule fausses pistes et digressions au rythme des errances catalanes de l'inspecteur Ricardo Mendez. Ce flic désabusé et vulgaire, sinon ordurier, est volontiers protecteur avec les prostitué(e)s ou les jeunes gens, comme ce Ruben dont le père fut l'un des vaincus de la guerre civile.

On devine que Mendez ne pourrait survivre longtemps à une retraite redoutée, tant sa vie se confond avec son statut de flic et ses déambulations au cœur du Barrio Chino, le quartier chaud de Barcelone.

Barcelone est à l'Espagne ce que San Francisco est aux Etats-Unis : la mecque de l'homosexualité, où cohabitent travestis des Ramblas et michetons occasionnels en goguette mais où rôde parfois une violence sournoise tandis que Mendez finit par se faire aux temps nouveaux, visitant « les pensions pour étudiants où tant de postulants affamés perdirent pieusement... leur virginité anale ».

Le vieux flic préfère cependant afficher son impuissance sexuelle comme l'ultime étendard d'une hétérosexualité jadis triomphante et lit à l'occasion « un roman consacré à de jeunes collégiennes enclines au saphisme ». Mendez reconnaît volontiers « qu'on a beau être un mâle, un vrai, on ne peut jurer de rien ».

Les rues de Barcelone, Francisco Gonzales Ledesma

A la recherche de l'assassin d'une secrétaire de direction bien informée des affaires d'une bourgeoisie dure et avide, comme de leur côté l'avocat Sergi Llor et le journaliste Carlos Bey, Mendez passe des bas-fonds de la prostitution aux salons feutrés de Marina Volpe, femme d'affaires frigide et ambitieuse, avec la même aisance cynique.

L'inspecteur croise à l'occasion la faune pittoresque des milieux du journalisme barcelonais, tel Amores à qui la poisse colle tellement aux basques que, suivant une prostituée, il découvre au lit qu'il s'agit d'un travesti et tombe sur « une femme morte cachée sous le lit », ce qui n'est pas la situation idéale pour un homme soucieux de discrétion !

Amores finit d'ailleurs par succomber, comme Carlos a failli le faire avant lui, au charme ambigu du travesti Alma, avec « ses lèvres sirupeuses, ses petits seins artificiels, son cul vertueux dont elle vantait l'étroitesse... et son pénis clandestin », fantasme paradoxal de « femme accomplie, une femme impossible, par conséquent l'une des plus touchantes qui soient ».

Francisco Gonzales Ledesma est un maître de la formule assassine et un champion de l'autodérision. Evoquant le président du parlement catalan, Mendez affirme qu'on « ne peut jamais deviner jusqu'où iront les intrigants de son espèce » et conclut : « Si on est fonctionnaire, on peut les retrouver directeurs de bureau, si on est journaliste, on s'aperçoit qu'ils sont patrons du quotidien, et si on est homo, il n'est pas impossible qu'on les découvre dans son lit. Tous les doutes sont permis. »

■ Les rues de Barcelone, Francisco Gonzales Ledesma, Gallimard, Folio policier, 336 pages, 2013, ISBN : 978-2070451449

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