Le tablier blanc, Catherine Rollin
Une jeune veuve richissime et nymphomane, une bonne laide et sournoise, un amant à voile et à vapeur et un fils homosexuel, tels sont les principaux personnages de cette fresque qui éclate comme une bombe de carnaval.
Paris. Hiver 42. Armelle, jeune, veuve et fortunée, dotée des « plus jolies jambes de Paris », tombe amoureuse du séduisant lieutenant Joachim Holberg. La passion n'est que de courte durée, l'officier allemand étant appelé à d'autres tâches en Afrique. Quelques mois plus tard, Armelle met au monde un fils dont elle se serait bien passée et va même jusqu'à épouser « un zombie du ministère » pour qu'il tienne lieu (pas longtemps) de père. Mais la mère n'est pas des plus attentives ; elle a d'autres chats à fouetter que sa progéniture qui va s'augmenter, quelques mois plus tard, d'une fille au père tout aussi incertain. Car la grande affaire d'Armelle, ce sont les hommes. Elle en fait une consommation effrénée, qu'ils soient riches ou pauvres, nobles ou rustres, banquiers ou gigolos. Le dernier en date, un certain Arling Criminopoulos, vite lassé de la mère, couche avec le fils qui écrit dans « une revue à l'index, je suis pédéraste ». Ces aventures rocambolesques coûtent malheureusement fort cher et toute la tribu passe d'un appartement luxueux à un bordel d'Empire avant d'échouer, au gré des revers de fortune, dans le château familial totalement délabré.
Cette histoire loufoque est racontée par la bonne, Armandine Durand, que la maîtresse de maison se plaît à appeler Dagobert. Cette femme est d'une laideur à faire peur, ce qui ne l'empêche pas d'éprouver pour sa patronne, à qui elle sert aussi bien de confidente que de souffre-douleur, un attachement tout à fait passionné. Elle en parle avec un respect mêlé de sarcasmes : « Madame dérange sans cesse l'ordre ordinaire des choses en n'en faisant qu'à sa tête, sa parfaite indifférence la poussait à bien vivre n'importe quel moment, cette femme anxieuse, affectueuse et lâche, quelle volupté diabolique il y avait pour une vieille baderne comme moi à vivre tous ces instants près d'elle. »
Quand Armelle a enfin « dilapidé toute sa fortune avec grandeur et décadence », c'est Dagobert qui reprend le flambeau, héritière du château. « J'étais une femme riche qui avait su mettre de l'argent de côté, tandis que Madame était passée du côté des pauvresses. Et si l'ordre voulait qu'elle continuât à s'adresser à sa bonne et moi de lui répondre comme à ma maîtresse, aucun de ses caprices ne pouvait se concrétiser sans mon consentement. »
Il y aurait donc une morale dans cette histoire qui renverse pourtant allègrement toutes les valeurs et s'ingénie plutôt à faire l'apologie de la dépravation et de la méchanceté.
■ Le tablier blanc, Catherine Rollin, Editions Bernard Barrault, 190 pages, 1984, ISBN : 978-2736000134
Présentation de l'éditeur : Vous allez rencontrer Armelle et sa servante, l'impayable Dagobert. Une servante pas comme les autres. Sous un air débonnaire et un physique de gendarme, elle cache un tempérament de fille perdue son service n'en est pas moins impeccable. Sournoise, voleuse, amoureuse, elle voue une passion meurtrière à sa maîtresse Armelle. Et que dire de cette dernière, s'imaginant détenir neuf vies comme les chats, elle chevauche les époques et les hommes, dévorée d'une passion inconsolable pour un guerrier d'un autre temps, collectionnant les amants les plus disparates, barons, banquiers, voyous. De plus mère indigne d'un homosexuel et d'une bécasse. Mais Dagobert possède le secret de mettre bon ordre dans toute cette petite famille, alignant sa folie sur celle de sa maîtresse, elle mène tambour battant une ronde infernale, qui fera d'elle une milliardaire.